De Denis Villeneuve
Denis Villeneuve avait réussi un exploit en 2021 en réussissant à donner au roman de Franck Herbert un visuel et des personnages emblématiques. Le film était grandiose de par l'immensité des décors, des planètes et alternait avec des personnages très bien écrits et très bien joués par des acteurs excellents.
Mais on avait reproché au film de se couper à mi parcours et de frustrer le spectateur et aussi de manquer un peu d'émotions. Moi personnellement j'avais trouvé le résultat brillant, étant un grand fan de Franck Herbert et ayant dévoré les six livres du cycle de Dune. Villeneuve arrivait à capter cet aspect de SF adulte très complexe à rendre à l'image en gardant une forme de réalisme et la sobriété qui a fait son succès sans ses précédents films, de Premier Contact à Blade Runner2049 en passant par Prisoners, Sicario et Incendies.
Le second film est un gros cran au dessus du premier. Durant la première heure, nous passons beaucoup de temps avec les Fremens, peuple des sables. Non seulement le désert est somptueux et l'action est présente avec plusieurs échanges guerriers avec les méchants Harkonnens, mais surtout, ce choix est fondamental. Il permet à Villeneuve de détailler le caractère de Paul, ses doutes, la naissance de son leadership comme la manipulation de sa mère Bene Gesserit, incarnée par une Rebecca Ferguson au rôle amplifié par rapport au roman. On y voit à la fois le jeu politique et religieux qui faisaient toute la duplicité et l'intérêt du livre, voyant naitre la construction d'un anti-héros. Soit l'opposé de Star Wars et c'est pour cela que j'adore Dune. Le film comme le livre est tout sauf manichéen et les personnages la plupart ambivalents.
Zendaya est excellente en Chani, qui comme l'avait dit Villeneuve, a elle aussi un rôle plus important que prévu. Et c'est une superbe idée que d'en faire une non-croyante qui voudrait juste vivre son amour avec Paul et va voir ce rêve et sa vie d'antan balayée par la force du destin. Son rôle est magnifique, très émouvant et c'est elle la vraie héroïne, spectatrice amoureuse qui ne peut empêcher ce qui va arriver. Timothée Chalamet et elkes sont touchants et Chalamet trouve un rôle d'une grande finesse de par l'évolution du personnage et sa prise de conscience terrible de son destin.
Chaque personnage est très écrit et a son temps d'écran, que ce soit Javier Bardem excellent et attachant en Stilgar ou Josh Brolin en maitre d'armes Gurney Halleck.
Face à eux, les méchants ont enfin un vrai temps de présence avec Stellan Skarsgård en Baron Vladimir Harkonnen le temps d'une dizaine de scènes percutantes tout comme son neveu Raban interprété par Dave Bautista. Mais LE grand absent de Dune première partie était l'un des méchants les plus iconiques de la SF, Feyd-Rautha, le second neveu beau gosse et complètement psychopathe du baron, héritier désigné de ce dernier. Austin Butler, quasi inconnu il y a trois ans,et qui explosé dans le Elvis de Baz Luhrmann, s'amuse comme un fou dans ce rôle. Et il est excellent. Certes, il joue beaucoup des regards par le bas mais sa démarche de félin au regard reptilien font froid dans le dos. Chacune de ses apparitions marque la rétine. Le choix de Villeneuve de nous coller du noir et blanc somptueux pour la scène de l'arène est une idée géniale, un fantasme de SF enfin concrétisé.
Et puis il y a Christopher Walken en empereur Shadam IV, tout simplement parfait. En quatre scènes, il suffit à imposer une classe phénoménale à son rôle. L'excellente Florence Pugh (Midsommar, Black Widow) incarne la princesse Irulan, sa fille. Elle est top comme d'habitude et aura un grand rôle à jouer dans le 3ème film, Le Messie de Dune, que Villeneuve souhaite adapter en cas de succès. Le film risque d'exploser les 400 M$ du premier sorti en fin de Covid et avec une sortie simultanée sur HBO Max. Les prévisions sont entre 800 M$ (le double) et un milliard. Ce serait génial car c'est amplement mérité.
J'ai revu une seconde fois le film la même semaine et il est encore meilleur que lorsque je me suis pris une grosse claque il y a quelques jours. Dune Deuxième partie est l'aboutissement d'un travail collectif fabuleux. Les idées visuelles restent sobres mais ultra efficaces et ne nuisent à aucun moment à la complexité de cette SF adulte que je rêve de voir advenir au cinéma. C'est d'ailleurs la première fois qu'un space nopera de cette ampleur thématique et dramaturgique est réalisé. Denis Villeneuve a très bien fait de séparer son film en deux permettant au premier, superbe, d'être une rampe de lancement pour son second, véritable chef d’œuvre instantané qui embrasse avec une très grande intelligence toute la finesse de Franck Herbert. C'est ce qui permettra à Dune de devenir une saga. Star Wars peut aller se rhabiller quand on voit la pauvreté scénaristique des derniers films.
J'avais deux grand rêves de cinéma, le Don Quichotte de Terry Gilliam et une adaptation réussie de Dune. Denis Villeneuve a réalisé ce rêve par cette œuvre magistrale, où aucune scène n'est en trop, d'un respect immense pour l’œuvre littéraire tout en y ajoutant du corps à des personnages féminins qui renforce la puissance du récit et d'une grande originalité par rapport à ce que la SF offre d'habitude.
Denis Villeneuve a réalisé le film de SF parfait, un blockbuster spectaculaire et complexe, dont l’ambiguïté des personnages n'est jamais sacrifiée au service des scènes épiques. Non seulement le film est d'une beauté confondante mais sa double thématique écologique et sur les dangers du totalitarisme religieux sont respectés. Une œuvre grandiose qui marquera la science-fiction et lui ouvrira je l'espère un sursaut qualitatif. Merci Denis Villeneuve pour tout cela.
La piste aux lapins :
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