De: Denis Villeneuve
Le pitch : A la lecture du testament de leur mère, Jeanne et Simon Marwan se voient remettre deux enveloppes : l’une destinée à un père qu’ils croyaient mort et l‘autre à un frère dont ils ignoraient l’existence. Jeanne voit dans cet énigmatique legs la clé du silence de sa mère, enfermée dans un mutisme inexpliqué les dernières semaines précédant sa mort. Elle décide immédiatement de partir au Moyen Orient exhumer le passé de cette famille dont elle ne sait presque rien…
Voici donc le film de Denis Villeneuve qui a beaucoup fait parler de lui avant sa sortie tant son accueil fut bon partout dans le monde, y compris en étant nominé aux oscars. Et pourtant, sa distribution française n'a pas été des plus faciles, obligé de se percer un passage entre d'autres gros films d'auteur très attendus.
Le réalisateur opte pour un scenario recelant un drame à multiples fonds, chacun enfonçant un peu plus le spectateur dans l'émotion des diverses révélations qui vont jalonner le film. Au fil de l'enquête de ces deux frères et soeurs sur leur mère disparue, plusieurs thèmes vont être évoqués et entremêlés.
Le postulat de départ est assez malin puisque le film ne cite pas le pays du moyen orient où la mère a vécu avant de s'enfuir au Québec.
L'effet immédiat est que l'on se trouve un peu perdu, en attente de savoir quel pays est pris en exemple. Il s'agit bien entendu du Liban et de sa lutte fratricide entre musulmans et catholiques. Mais l'atmosphère d'enquête dans ce pays dont on ne cite jamais le nom est posée, une guerre honteuse qu'on veut oublier. Le périple commence alors dans le passé de cette mère décédée et mystérieuse. Chaque avancée du récit atteint alors son but puisque tous les sens sont en éveil et que l'on suit la fille de cette femme par un montage habile entre passé et présent. De longs flashs backs révèlent la vie de la mère dans ce pays en guerre, procédant à des parallèles douloureux qui expliquent les raisons de son détachement vis a vis de ces deux enfants. Deux êtres qui aimaient leur mère malgré son absence et qui ne la découvrent que par devoir de mémoire, par envie de trouver des racines dont elle ne donne la direction que lorsqu'elle n'est plus et n'a plus à avoir honte de sa vie et de ses échecs.
C'est donc un film sur le deuil, les deuils. Celui d'une femme pour sa vie gâchée au nom d'un idéal, celui d'enfants pour une mère qui les a doublement abandonnés et ne les retrouvera que par delà la mort. Un film sur le pardon. Pardonner à ses bourreaux pour revivre ou plutôt laisser ses enfants revivre. Film sur l'importance de la filiation et de la connaissance de ses parents pour se constituer une identité, une base pour se propulser en avant, comprendre les erreurs et les choix des ainés pour créer son propre cadre, forcément construit en creux, en confrontation avec les parents. Lubna Azabal donne à son personnage une densité très forte avec une économie de mots mais un visage incroyablement expressif. "Incendies" utilise certes des ficelles parfois pompières mais atteint son but, bouleverser le spectateur et le laisser blafard. Un excellent film.
La piste aux Lapins :
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