De: John Cameron Mitchel avec Aaron Eckhart et Nicole Kidman
Le pitch : Becca et Howie ont perdu leur fils lors d'un accident. Huit mois après, ils n'arrivent toujours pas à gérer leur douleur et tentent diverses façons de s'en sortir.
Avec "Rabbit Hole", John Cameron Mitchell signe son meilleur film et le retour au sommet de Nicole Kidman, qui, vous ne serez pas surpris, nous livre une prestation magistrale. Je ne l'avais pas vue aussi fébrile et dure depuis le "Eyes wide shut" de Stanley Kubrick.
Mais face à elle, Aaron Eckhart trouve un rôle à la mesure de son talent et ne démérite pas un instant. Il s'agit peut être de son meilleur rôle jusqu'à présent.
Avec un sujet pareil, le réalisateur a choisi un thème casse gueule, rarement abordé au cinéma et davantage au petit écran via des téléfilms ou des séries dont certaines (comme six feet under) n'hésitaient pas à traiter de la chose bien qu'elle ne soit pas franchement attractive en terme d'audience.
Et John Cameron Mitchell retrouve la recette de ses deux précédents essais "Hedwig and the angry Inch..." et "Shortbus" à savoir poser des questions simples crument, sans tabous. Dans "Shortbus", le spectateur voyait les acteurs se livrer à des scènes de sexe pornographiques mais ne retenait non pas du voyeurisme mais plutôt de la joie, de la jouissance et l'explosion des émotions et des tourments des personnages, qui se posaient beaucoup de questions existentielles entre quelques scènes un peu crues. Un sentiment étrange qui faisait disparaitre très rapidement le côté mal à l'aise des premières minutes. C'est comme si la sincérité avec laquelle le réalisateur explosait les tabous permettait tout de suite de franchir une étape pour aller plus loin dans l'exploration des personnages, non sans pudeur, juste sans voiles inutiles. Ici, il n'existe pas de mise en abime de la tragédie. Le metteur en scène estime que vous avez lu le pitch et que vous êtes assez grand pour comprendre ce qui s'est passé. Pas la peine de mettre en scène la mort de l'enfant. Ceci pour le coup aurait été du voyeurisme.
Non, ici il est question de deuil ou plutôt d'absence de deuil définitif. Comment exprimer ses émotions lorsque le pire vous arrive à savoir perdre votre enfant, très jeune.
La retenue des personnages est toujours contrebalancée par une violence sous-jacente mais jamais par un jeu d'acteur cherchant la performance façon "actors studio".
Non, John Cameron Mitchell préfère utiliser l'humour noir par ci par là, une musique douce, des couleurs vives car la vie se poursuit, qu'il continue de faire beau temps.
La vie continue et les autres avancent tandis que le temps est figé ou qu'il bégaie pour les parents. Le manque et la tristesse se rappelant toujours à la mémoire, devenant simplement différents, évoluant, se transformant.
Le long métrage ne cherche pas à démontrer quoique ce soit, juste à filmer l'évidence, on ne partage pas la peine des autres, les personnes qui entourent une famille endeuillée de cette façon ne peuvent pas apporter grand-chose. Et les "survivants" font mine d'accepter ces politesses comme réconfortantes mais ceci reste du lien social, rien de plus. La peine est bien encrée et ne disparaitra pas. Il faut l'accepter et vivre avec.
On est seul face au drame même en couple, même au milieu d'autres parents touchés par ce malheur. Chaque deuil est personnel.On peut se raccrocher à Dieu mais quand on n'y croit pas il faut trouver autre chose et c'est ce que fait le personnage de Nicole Kidman. Le film n'est pas sans espoir, il n'est pas noir et sombre, non, il est plus complexe, il montre justement comment évoluent ces sentiments et comment extirper quelquechose d'un tel drame pour poursuivre sa route, même blessé de manière irrémédiable.
John Cameron Mitchell signe un film profondément universel et d'une grande finesse, d'une sensibilité touchante car non versée dans le pathos gratuit, une œuvre bouleversante qui n'utilise pas du tout les travers du mélo mais plutôt une approche psychanalytique du sujet. Un film où l'intellect est servi par des acteurs en état de grâce. L'un des grands moments de cinéma de cette année. Probablement.
La piste aux Lapins :
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