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Photo du rédacteurBlanc Lapin

Black Swan

De: Darren Aronofsky


Voici enfin le film qui fit s'ébahir le festival de Venise en septembre dernier, le retour de Darren Aronofsky après son lion d'or au même festival deux ans plus tôt pour "the wrestler", où Mickey Rourke renaissait de ses cendres devant la caméra du cinéaste. Les critiques élogieuses qui accompagnent cette sortie, avec de fortes rumeurs d'oscar pour Natalie Portman sont bien entendu amplement méritées. Certes, Aronofsky est l'un de mes chouchous, j'ai adoré tous ses films. Mais aujourd'hui il entre dans la cour des grands, des très grands.


Le film est un parfait mélange des deux longs métrages les plus réussis du cinéaste.


La force du récit est appuyée par une mise en scène de plus en plus étouffante, qui va en crescendo à la manière de "Requiem for a dream". Une force centrifuge emporte peu à peu le récit à une vitesse de plus en plus grande. Mais de la même manière que dans "the wrestler", où Aronofsky suivait Mickey Rourke en catcheur sur le retour, le réalisateur abandonne quelques peu les effets de style qu'on lui reprochait au temps de "the fountain" et de "requiem for a dream". C'est un reproche commun à deux autres cinéastes du même âge, Danny Boyle (trainspotting, 28 jours plus tard, slumdog millionnaire) ou David fincher (fight club, seven, the social network). Aronofsky prouve qu'il n'est pas qu'un simple metteur en scène brillant. Il sait à présent s'emparer d'une histoire comme personne, et l'on constate la même évolution chez lui que chez Fincher avec son "the social Network".

Ici, Aronofsky reprend la même technique que dans "the wrestler" où son cinéma ressemblait plus à celui des frères Dardenne ou de Ken Loach qu'à celui de sa génération de cinéastes indépendants très formalistes, à qui on reprochait la forme au détriment du fond. Ainsi, limite caméra à l'épaule, il filme en gros plans son actrice pour ne jamais la lâcher. La plongée dans la noirceur n'est plus multiple à la manière des quatre personnages filmés en même temps dans quatre lieux différents dans le split screen de "Requiem for a dream". Ici tout comme avec Mickey Rourke, le personnage de Natalie Portman est seul face a son destin, face à ses choix, cruels. Les deux histoires et les deux films se renvoient une cohérence artistique très intéressante. Celle d'une démarche du réalisateur pour faire évoluer son art, le peaufiner jusqu'à la perfection, et ça tombe bien puisqu'il s'agit du sujet du film.


Le déterminisme de cette tragédie et son réalisme rappellent aussi étrangement celui de "the wrestler". C'est qu'au départ, Aronofsky n'avait qu'un seul film en tête avec deux histoires mêlées. Pour ne pas alourdir son propos, il a préféré les scinder en deux films. Et il a probablement bien choisi. En délaissant le trop plein qui pouvait rebuter certains dans ses premiers opus, Aronofsky opte pour l'épure, donnant au jeu de Natalie Portman la possibilité de nous émouvoir et d'en prendre le temps. La peur et l'angoisse se lisent sur son visage et son corps si fragiles. Et en parsemant son film de touches fantastiques, il maintient le long métrage dans un genre indéfini et inquiétant, à la manière d'un Polanski ou d'un Kubrick, il conserve en permanence une tension forte. Ce cadre permet à Natalie Portman de livrer une prestation remarquable. L'expérience de cette dernière dans la danse classique accentue le réalisme des meurtrissures du corps qui se propagent à l'âme, ne sachant jamais si l'on nage en pleine schizophrénie et à quel moment le cauchemar se détache t il de la réalité.

L'utilisation des codes d'un cinéma de genre fantastique pour mieux perdre les repères du spectateur, permettent de l'emmener plus violemment vers l'apogée du récit, en accélérant, à la manière d'une ballerine qui tourne sur elle même jusqu'à perdre connaissance, jusqu'à s'abandonner. On s'aperçoit alors que le formaliste est toujours là, il est simplement plus discret, plus fin, plus abouti.


Et puis il y a l'histoire, la solitude du personnage, son unique obsession étant de devenir quelqu'un, être admiré aux yeux de tous, atteindre la perfection dans son art au sacrifice de tout le reste, la vie n'étant plus liée qu'à cet objectif, pas d'amis et peu de famille qui compte...un film bien plus profond qu'il n'y parait car il touche à quelquechose d'universel. Que recherche ton à réussir dans une vie ? Quel est le but, l'ambition, et pourquoi ? pour qui ? Le personnage de Portman le fait-il pour soi ou pour sa mère ?


Pour se transcender et défier la vieillesse et la mort, exceller dans un domaine pour se démarquer et se sentir moins seul ? Autant de questions que le film pose sans y répondre forcément, ou bien par allégories. Darren Aronofsky livre donc un film extrêmement riche et puissant, une réussite majeure qui le place parmi les plus grands et donne d'un coup d'autant plus d'attrait à son prochain projet. Il s'attaquera à la réalisation du second film sur le super-héros Wolverine. Un genre qui n'a rien à voir sur un personnage raté dans la première tentative, un blockbuster intelligent probablement. Pour la petite histoire, "Black Swan", au delà des prix qu'il a déjà obtenus, vient de dépasser les 100 M$ de recettes aux Etats-Unis pour 13 M$ de budget. C'est ce qui s'appelle un phénomène rare, quand cinéma d'auteur et très grand public se croisent. Un évènement rassurant et l'un des films à ne pas rater cette année.


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