De: Asghar Farhadi
Le pitch : Simin vit en Iran avec son époux Nader, dont elle veut divorcer parcequ'il ne veut pas la suivre et partir avec elle et leur fille à l'étranger, alors que son visa expire dans 40 jours. Nader veut rester pour s'occuper de son père atteint de la maladie d'alzheimer. Il va donc embaucher une femme pour s'occuper de lui la journée. Mais rien ne va se passer comme prévu.
L'ours d'or 2011 est un film brillant et original sur la place de la femme en Iran mais aussi l'investissement de l'homme et son positionnement dans le cercle familial.
Une mention spéciale doit être faite au casting (Sareth Bayat, Sarina Farhadi, Leila Hatami, Kimia Hosseini, Shahab Hosseini) , irréprochable et récompensé par l'ours d'argent tant pour la distribution féminine que masculine. Il est vrai que le film repose énormément sur eux mais aussi sur son scénario, malin, qui part d'une situation banale pour embrasser une étude de moeurs originale car peu vue au cinéma, celle du couple en Iran aujourd'hui, vu de l'intérieur.
La comparaison est donc faite des rapports sociaux entre une classe moyenne qui s'en sort et vit confortablement et une classe sociale pauvre, davantage tournée vers la religion. Que veulent dire justice et morale dans chacun des couples et quelles en sont les limites quand la survie de la famille en dépend ? Ces thèmes vont se dessiner peu à peu à partir d'une histoire a priori simple qui va basculer à cause d'un accident.
Nader, le père dans le couple qui se sépare est très attaché à son honneur d'homme et à la croyance de sa fille ou de sa femme en son innocence par rapport au crime qu'on lui reproche. La femme qui l'accuse se réfugie quant à elle dans le Coran. Les deux mentent à leur façon, essaient de se persuader eux-mêmes et cachent la vérité derrière une fierté pour lui ou une peur d'affronter son mari pour elle. Mais les deux craignent pour l'image que l'issue du procès donnera de leur famille. Ils vivent de manière différente leur culpabilité mais la travestissent chacun en accusation à tord ou en victimisation pour mieux sauver leur couple respectif mais aussi sauver leur honneur dans cet Iran pétri de codes et de contraintes.
Au-delà du drame et de la tension de l'excellent scénario, l'intérêt majeur est donc cette vision moderne qu'il renvoie de l'Iran. Le couple qui se sépare est ancré dans le 21ème siècle. Nader éduque sa fille pour qu'elle soit libre et indépendante, qu'elle fasse ses propres choix et ne dépende de personne et surtout pas des hommes. D'ailleurs c'est sa femme qui souhaite partir pour vivre à l'étranger et ne plus supporter les contraintes sociales et politiques. Mais il ne la retient pas, il la laisse libre. Et à trop vouloir jouer à cette modernité, elle qui voudrait qu'il la retienne et lui trop fier pour lui courir après, ne va t-on pas vers une désagrégation du couple plus inéluctable ? C'est qu'en milieu européannisé, on se sépare plus vite car les carcans religieux et sociaux ont bien moins d'emprise pour faire tenir un couple dans la tourmente.
Mais le réalisateur ne critique pas l'Occident, non, il tente de comparer les deux voies pour en faire ressortir les défauts inhérents. La voie religieuse du couple pauvre qui accuse n'est pas non plus la plus solide puisqu'au nom d'un honneur sur la base du Coran, on préfère mentir à son conjoint et travestir le tout. Au final, le mensonge et la peur de renoncer à sa fierté sont partout et aboutissent à la même chose. La liberté ou la contrainte de dogmes n'y font rien. Quand la confiance n'est plus là, que les règles propres au couple lui même sont violées, ce dernier explose. Il est peut être dommage de rester sur une note aussi noire sans parler de seconde chance. Fort heureusement, les histoires redécolent aussi malgré ce genre de trahisons.
Le film est donc une réussite majeure car il nous balade de l'un à l'autre des personnages en nous faisant prendre parti pour l'un puis pour l'autre pour au final nous dresser un portait loin des caricatures que l'on se fait de l'Iran d'aujourd'hui et des rapports hommes-femmes de ce pays reclu sur lui-même.
"Une séparation" parle des tabous de ce grand pays et de leurs limites très rapidement atteintes. Mais il est plus universel grâce au regard de la fille de 13 ans du couple qui se sépare. Il parle aussi de la fin de l'adolescence, de l'entrée dans l'âge adulte, dur, où il faut apprendre à vivre à plusieurs et séparément car les parents disparaissent, les couples ne sont pas éternels, et la fierté de l'individu reste au final un point de repère essentiel pour suivre une route, quelle qu'elle soit.
Il est vraiment réjouissant de voir un film aussi complexe et libre de propos tourné en Iran.
La piste aux Lapins :
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