De: Jean-Pascal Zadi
On ne pouvait pas rêver meilleur film que "Tout simplement noir", un mois et demi après le lancement du mouvement #blacklifvesmatter et alors que des manifestations ont eu lieu partout dans le monde, y compris en France.
Jean-Pascal Zadi choisit l'humour pour faire passer son message et c'est sacrément efficace car il le fait en se moquant des propres excès d'un certain communautarisme tout en pointant du doigts l'essentiel.
Le personnage qu'il interprète est un acteur raté et sans talent qui veut organiser une grande marche noire en France pour dénoncer l'esclavagisme, l’absence de visibilité dans les médias et la discrimination des blancs.
Mais il est surtout pétri de clichés sur les noirs, ne connaissant pas les dates importantes, et balançant des énormités aux personnalités noires qu'il rencontre pour les convaincre de rejoindre sa marche.
"Tout simplement noir" est déjà très drôle, ce qui est loin d'être une habitude dans les comédies françaises.
Il joue la provocation et c'est vraiment marrant avec son casting de stars jouant leur propre rôle et se moquant d'elles mêmes avec un second degré ravageur. Fary joue l'humoriste entrepreneur et cynique, plus intéressé par son image que par le fonds, mention spéciale à sa fausse bande-annonce de film noir engagé ("Black love"). Lilian Thuram, Claudia Tagbo, JoeyStarr, Fabrice Eboué, Lucien Jean-Baptiste, Eric Judor, Ramzy Bedia, Jonathan Cohen, Mathieu Kassovitz, Soprano et bien d'autres s'envoient des répliques bien corrosives qui rappellent la diversité dans la diversité et tordent le cou à l'intolérance de classe ou de milieu. Le film, en prenant les choses avec recul, livre au final un message bien plus profond qu'il n'y parait. La plupart de ces stars ne se définissent pas avant tout comme noirs là où le personnage va jusqu'à exclure les femmes noires par machisme ou refuser la main tendue d'artistes arabes ou juifs par pur aveuglement identitaire.
Le fait de démonter tout un tas de clichés tout en rappelant l'horreur de l'esclavagisme, de la colonisation et le manque de diversité est un vrai tour de force. Surtout Jean-Pascal Zadi et John Wax le font avec finesse et dénoncent l'identitarisme dans ce qu'il a de plus con.
Le brio du film est donc de ne pas s’essouffler dans son concept d'aller de star en star vanter les mérites de cette marche mal pensée et avec des fondements très légers. Chaque rencontre est une occasion de faire exploser une idée reçue soit par les noirs soit par la population dans son ensemble. Les incohérences et paradoxes du personnage sont mis à mal et le ridiculisent tout en faisant émerger sa sincérité et ce qu'il y a de vrai. La scène avec Omar Sy, très courte soit elle, montre qu'il se trompe de cible.
"Tout simplement noir" use de burlesque et de folie, de répliques hilarantes et arrive à atteindre son but grâce à cette satire de clichés vus par une communauté qui déjà n'est pas une communauté mais plusieurs.
Le film est jubilatoire tout en apportant de la complexité à l'identité noire à la française.
La piste aux Lapins :
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