De: David Fincher
Avec "the social Network", David Fincher, qui s'est illustré de façon brillante avec "Seven", "Fight club" ou "Zodiac", revient avec un sujet pas si grand public que cela.En effet, présenter les personnages qui sont à l'origine du phénomène "Facebook" peut sembler mercantile à première vue et relativement inintéressant. Mais toute la finesse de Fincher est d'avoir su partir de ce postulat d'étude de geeks coupés du monde pour mieux brosser le portrait de jeunes gens brillants mais incroyablement solitaires. Des jeunes dont les idéaux sont réduits à néant puisqu'ils ont tout, argent et intelligence, et sont souvent blasés. Des individus sans rêves, sans aucune conscience politique.
Elevés à la culture du paraitre et de la réussite sociale, c'est l'épate qui mène leur existence, puis le fric mais au final cet argent n'est même pas l'enjeu pour eux. L'enjeu c'est de trouver une place et une reconnaissance dans ce monde d'individualités. On a beaucoup parlé du personnage principal, le créateur, le petit génie qu'est Mark Zuckerberg.
Ce dernier est en effet extrêmement antipathique. Il est très intelligent certes mais se comporte comme un animal de sang froid, sans émotions et surtout sans amis. Un comble pour le créateur d'un réseau social. Bien entendu, Fincher a probablement forcé le trait de cet égoïste à l'ambition démesurée et notamment de son rapport aux autres. Cependant, cette approche permet justement d'adresser une critique de cette utilisation outrancière de Facebook et du net en général. Non, Facebook ne permet pas, la plupart du temps, de se faire des amis. Ce partage sans complexes de sentiments extrêmement personnels ou de petits riens de l'existence quotidienne, c'est un peu de l'égo partagé. Que tu est beau, mais non c'est toi, oh tu fais telle chose à tel moment, trop cool.
Ce besoin d'exprimer en permanence "sa vie qu'elle est trop bien" et trop remplie n'est elle pas surtout un placebo de nos solitudes respectives. Une bouteille jetée sur la toile du Net dans laquelle on entendrait un immense "aimez moi !". Facebook peut être bien utilisé, de façon récréative ou ludique mais ne remplacera jamais les vrais gens, les vrais situations, la vraie vie. Et Mark Zuckerberg est la caricature de l'addict à ce genre de réseau puisque lui-même n'a finalement aucune personne à qui se rattacher et aucune qui lui exprime la moindre empathie. Il est paumé dans un vaste monde virtuel où tout le monde veut être ton ami. Un monde où "ami" ne veut pas dire grand chose. Un terme si générique, autant que celui d'"amour", que l'on clame à tout va sans vraiment savoir ce qu'il représente.
Le choix de Jesse Eisenberg est parfait et ce dernier montre enfin un jeu d'une subtilité bien plus grande que dans les comédies qui l'ont récemment fait connaitre. Bien entendu, Andrew Garfield est brillant, Terry Gilliam avait raison de miser sur lui dans son Imaginarium. Mais le plus plaisant dans cette histoire de success story d'un connard, c'est que Fincher abandonne ses effets visuels habituels, ou plutôt les rend plus discrets pour se concentrer sur la mise en scène pure, la direction d'acteur et nous faire progressivement comprendre cet énergumène pour lequel on finit par avoir de la peine. Et oui, Fincher montre enfin qu'il sait admirablement raconter une histoire et c'est peut être une nouveauté, une maturité acquise dans son œuvre. C'est surtout rassurant après son précèdent film "l'étrange histoire de Benjamin Button", où l'ami David s'était un peu vautré dans un consensuel mou tire larmes, bien que le film comporte de beaux moments de cinéma. Ici Fincher laisse les dialogues ressortir de son image si léchée, il accepte de se faire plus discret, au service de cette histoire de ping pong entre un homme seul et le reste du monde, ce monde dont il aimerait être accepté, qu'il conquiert financièrement par une idée de génie mais que le laissera là où il a toujours été...The social Network est donc un brillant exercice de style, passionnant. Il est difficile de le comparer à un autre long métrage mais il est certain qu'il témoigne de son temps et qu'il restera probablement comme un classique du fait de la finesse et de l'intelligence de son propos.
La piste aux Lapins :
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