De: Michel Hazanavicius
Avec " the artist", Michel Hazanavicius a fait forte sensation au dernier festival de cannes, et créé la surprise, son film ayant été sélectionné in extremis en compétition. Comment cela ? Le réalisateur des "Oss 117" en compétition pour la palme d'or ? Et bien on peut remercier les sélectionneurs d'avoir donné à ce petit bijou un écho international digne de sa réussite.
Hazanavicius ose un pari risqué et gonflé, en sortant un film muet en noir et blanc en 2011 ! Idée de génie, pas novatrice car déja tentée par le passé mais toujours avec lourdeur...on se souvient de "la dernière folie de Mel Brooks", muet certes mais raté et balourd, long, ennuyeux.
Il faut dire qu'associer cinéma muet à comique burlesque façon Buster Keaton, Laurell et Hardy ou Chaplin, c'est oublier toute la poésie de cette époque là du septième art, toute l'écriture et la mise en scène qui font qu'un Fritz Lang muet ou parlant demeure une claque inaltérable avec le temps. Takeshi Kitano avait compris et porté à son paroxysme la richesse de ces silences dans le très beau "l'été de kikujiro". D'autres grands réals empruntent au muet ces atouts majeurs permettant de faire ressortir l'histoire au premier plan, de Wim Wenders à Jim Jarmusch.
Mais ici Hazanavicius frappe plus fort et livre un hommage très émouvant au cinéma à travers une histoire simple mais écrite avec finesse, basée sur le jeu sans fausses notes de ses acteurs. Jean Dujardin mérite amplement son prix d'interprétation cannois, commençant par jouer de son visage élastique pour caricaturer l'acteur de cinéma muet et glissant doucement mais surement vers une palette de jeu bien plus nuancée, au point d'en devenir un personnage extrêmement émouvant de loser. Face à lui, Berenice Bejo est confondante de justesse et crève l'écran au point de nous faire penser au fait qu'on ne la voit pas assez sur les écrans. Elle était brillante dans OSS 117, quand va-t on on lui ouvrir d'autres rôles ?
Michel Hazzanavicius a aussi l'intelligence de rendre hommage en réalisant un film universel car sans paroles et dès lors libre de passer toutes les frontières de langues. Il nous rappelle de manière assez déroutante qu'un bon film n'a pas besoin de technique et de 3D mais juste d'un scénario solide entourés d'acteurs inspirés. Mais ce serait sans compter sur la mise en scène de l'auteur, sa dramaturgie. Il sait raconter des histoires et arrive à s'imprégner des tics d'un cinéma mort pour mieux nous démontrer que ce dernier bouge encore et qu'il s'est juste transformé et entouré de techniques de plus en plus élaborées. L'essentiel, la base de la réussite d'un film sont toujours les auteurs, le metteur en scène et les acteurs, même sans paroles, la parole n'étant que la première des avancées technologiques qu'a connu le cinéma.
Au- delà de cette histoire bouleversante du passage d'un monde à un autre, du comment devenir has been et rejeté de tous du jour au lendemain, Hazanavicuis va plus loin et c'est tant mieux. En effet, l'immense Billy Wilder avait déjà abordé ce thème du passage du met au parlant et des ravages sur une star déchue dans son chef d'oeuvre "sunset boulevard" ou "boulevard du crépuscule". Il l'avait traité sous forme de polar et de tragédie, lui le roi de la comédie. Hazanavicius, qui nous a fait mourir de rire avec ses irrespectueux "Oss 117" choisit d'illustrer son film en contant une histoire d'amour, sous forme de drame et non de comédie. On rit peu durant la projection mais c'est la tendresse pour les personnages et leur profonde humanité qui touche de façon évidente et surprend d'autant plus qu'on n'attendait ni Hazanavicius ni Dujardin sur ce créneau. Un exercice de style casse gueule qui aboutit à un film ambitieux, généreux et d'une nostalgie ultra classe.
La piste aux Lapins :
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