De: Thomas Vinterberg
Thomas Vinterberg revient enfin...12 ans après son chef d’œuvre écrasant et premier film, "Festen".
Il est parfois mortel artistiquement de commencer très haut. Et la chute fut dure pour le jeune danois, ses deux films suivants se cassèrent les dents d'un point de vue critique. De retour dans son pays natal avec "Submarino", Vinterberg n'abandonne aucunement la noirceur sans fond et limite suicidaire de ses protagonistes, balayés par un vent froid, celui d'un certain pragmatisme social. Non, la vie n'est pas belle dans le quart monde, les soucis de certains vont au delà des besoins consuméristes que notre société créé aujourd'hui...
Ceci fait un peu Miss France d'asséner ce genre d'évidence... mais tout est une question de support, or celui de "Submarino" est d'une grande classe. Vinterberg nous livre une mise en scène sobre, dans une grisaille permanente, d'une colorimétrie parfois proche du gris foncé ou au contraire du blanc. Le blanc pur de l'enfance gâchée des deux personnages, deux frères séparés par un drame originel lorsqu'ils avaient une dizaine d'années.
Rien dans cette histoire n'autorise l'espoir, rien sauf l'innocence d'un enfant, celui de l'un des deux frères. Sera t'il la lumière leur permettant de sortir la tête de l'eau ? Son sort sera t-il prédéterminé par l'héritage paternel et celui des générations d'avant ? Le titre "Submarino" fait référence à une torture par asphyxie sous l'eau et résume parfaitement l'état des personnages, dont les multiples tentatives de surnager se heurtent à l'engrenage de la misère.
Thomas Vinterberg s'évertue cependant à tordre le cou aux préjugés...déchéance sociale n'est pas synonyme de pauvreté morale ou intellectuelle. Et même sans aucune carte entre les mains, il y a des chemins, des mauvais très souvent, et puis le malheur apporte parfois une occasion de rebondir, de s'extirper dans un dernier souffle de survie. Le film traite de la culpabilité, de l'acceptation de son passé, de l'absence de communication entre des êtres censés se tenir les coudes, souvent par maladresse ou par abandon. Mais c'est dans le lien filial que le film prend toute son ampleur dramaturgique. Il est l'ultime barrière contre la dureté du monde extérieur, l'ultime bouée avant de lâcher prise. L'amour ou l'indifférence d'un parent vis à vis de son enfant peuvent tout aussi bien façonner ce futur adulte que le détruire. Vinterberg aurait pu tomber dans le pathos et nous agacer très rapidement. Mais sa mise en scène et le jeu des acteurs sont pudiques et délicats, ne s'accordant aucune facilité.
L'acteur principal porte sur son visage de gros dur, aux cheveux blonds et aux yeux bleus profonds, une sorte de douceur et de tendresse exprimée en creux.
Comme si ce visage reflétait ce qui lui a fait défaut toute sa vie et qu'il n'a jamais pu exprimer, faute de famille, faute de compagne. Vinterberg souligne par la symbolique les phases mentales de ses personnages. L'un qui cache ses émotions derrière sa musculature tandis que l'autre tente de sauver les apparences de son physique et de son état de camé par un comportement de papa dévoué au delà du nécessaire.
Passer dans ce style de cinéma après Ken Loach, Stephen Frears, les frères Dardenne ou Robert Guediguian n'est pas facile tant de si grands films ont été réalisés. Aronofsky a surpris tout le monde avec "The wrestler" il y'a deux ans. Thomas Vinterberg n'aura pas le même succès mais c'est une grande claque de cinéma à laquelle j'ai eu droit, l'un des meilleurs longs métrages que j'ai vu cette année.
La piste aux Lapins :
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