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Photo du rédacteurBlanc Lapin

La taupe

De: Tomas Alfredson



Avec "La taupe", Tomas Alfredson confirme le talent de mise en scène froide et méthodique qui l'avait fait connaitre avec "Morse", film de vampires atypique où un enfant se prenait d'amitié pour une vampire adolescente.


Ici, c'est à un autre film de genre que le suédois s'attaque, tout en passant à Hollywood avec un casting quatre étoiles. Mais au final, il y est question aussi de solitudes tout comme dans Morse, peut être un fil directeur chez Alfredson...


Le film d'espionnage a débouché sur de multiples styles différents mais c'est dans les années 70 que quelques chefs d’œuvres virent le jour sous la houlette de Francis Ford Coppola (Conversation secrète), Alan J. Pakula (Klute, A cause d'un assassinat, les hommes du Président), ou Sydney Pollack (les trois jours du Condor).


En adaptant "Tinker, tailor, soldier, Spy" de John Le Carré, spécialiste du genre, Tomas Alfredson se situe clairement dans l'hommage à ce cinéma seventies. Les histoires d'agents y prenaient leur temps, les dialogues étant souvent remplacés par des silences, des non-dits, des déductions laissées au spectateur, supposé suffisamment pertinent pour lier les scènes entre elles.

Et ici, c'est à la fois l'atout majeur et la limite du film. Certains seront largués peut être. Personnellement j'ai adoré cette façon de tisser l'histoire par des scènes décousues que le réalisateur laisse relier entre elles comme les pièces d'un puzzle. Ce petit jeu de déduction demande au spectateur d'être attentif et actif là où aujourd'hui le cinéma explique tout de manière didactique. Or tout le suspens du film repose sur cette enquête de l'agent Smiley pour découvrir la taupe infiltrée par le KGB au sein de la direction des services secrets de sa majesté, le Cirque.


Alfredson filme Gary Oldman, tout en retenue so british, dans l'un de ses meilleurs rôles. Mais il n'oublie pas que ces espions sont aussi tous d'excellents dissimulateurs, capables de tout jouer. Et c'est sur du velours que Colin Firth, Mark Strong, Tom Hardy, John Hurt, Toby Jones, ou Benedict Cumberbatch vont livrer cette performance assez bluffante car feutrée. Il nous fait plonger dans ce sinistre quotidien d'agents secrets pour lesquels la vie privée n'existe pas. Ils sont ternes, d'un teint pâle, et évoluent dans des tons beiges et gris, comme vidés de leur humanité par des années de mensonges, de dupe, de manipulations et d'enquêtes. Ils sont sans identité et leur vie semble bien triste, voués à servir le pays mais soucieux de faire partie des cinq agents faisant partie du comité stratégique. Ils sont brillants mais vivent coupés du monde dans une bulle intellectuelle orientée de façon obsessionnelle sur l'ennemi. Ils semblent dépressifs pour certains, et seul le personnage de Tom Hardy, davantage impliqué sur le terrain et plus jeune, présente encore des réactions non totalement maitrisées, des envies soudaines de morale. L'amitié n'a pas sa place et c'est ce qui détruit ces individus d'exception. Comment croire au lendemain lorsqu'on ne peut faire confiance en personne ?

Alfredson procède par petites touches de peinture pour dresser ce tableau triste et sans concession d'hommes pour lesquels la vie ne peut être normale. Le seul bonheur ne peut se résumer qu'en réussissant à surpasser leurs confrères, en excellant dans leurs objectifs, à défaut de quoi le seul espoir de respirer réside dans le passage à l'est, ce qui est le cas de cette taupe mystérieuse.


L'esthétique du film permet quant à elle de faire passer plus facilement le récit lorsqu'il s'avère un peu plus brumeux. "La taupe" est un grand film paranoiaque comme on n'en n'a pas vu depuis des lustres. Un film d'ambiances et non d'actions, pour mieux faire toucher du doigt l'intérieur de ces égos perdus dont l'idéal s'avère bien confus.

Restituer une telle complexité devait passer par une mise en scène stylisée, un montage rigoureux et un jeu d'acteur d'une grande finesse. Tomas Alfredson devrait se voir ouvrir bien grand les portes d'Hollywood après ce succès tant critique que public, d'autant qu'il n'a pas été broyé sur son premier passage et qu'il a confirmé son style méticuleux. Le premier film important de cette année 2012. A ne pas rater.


La piste aux Lapins :
































































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