De: Pedro Almodovar
Pedro Almodovar hésitait à présenter son adaptation du roman "mygale" au dernier festival de cannes.
Probablement parcequ'il devinait qu'on ne lui attribuerait toujours pas la palme d'or et parcequ'il craignait que la fin de son scenario soit révélée au public avant la sortie en salles. Il faut dire que le twist final est excellent. Les critiques furent d ailleurs élogieuses.
Pedro retrouve donc 20 ans après sont acteur fétiche de "Attache-moi !", " la loi du désir" ou "matador". On n'avait pas vu Antonio Banderas si bon acteur depuis des lustres. Sa carrière hollywoodienne n'ayant pas été terrible et ses derniers hits remontant à Desperado ou Zorro...Ici, Almodovar magnifie sa masculinité de quinquagénaire et lui offre un de ses rôles les plus troubles.
Si le réalisateur a atteint une maturité dans son style depuis "la fleur de mon secret" il y a 15 ans, il prouve ici qu'il peut investir un genre et le modeler à son univers, comme ce chirurgien esthétique qui transforme son cobaye à l'image qu'il souhaite d'elle. L'histoire fait évidemment penser au chef d'oeuvre de Georges Franju, "les yeux sans visage". Les codes du film d'horreur italien époque seventies sont au début parsemés mais très vite Almodovar retrouve ses thématiques de prédilection, l'identité sexuelle, le rapport contrarié à la mère, la vengeance, la cohabitation avec son bourreau...A ce titre on pense parfois à "la mauvaise éducation" où Almodovar contait l'histoire d'un garçon victime de pédophilie sous la forme d'un thriller extrêmement noir.
Le résultat n'est pas aussi abouti dans "la piel que habito" même si on retrouve la noirceur du récit, le faible nombre de lieux desquels les personnages sortent de nuit, donnant un sentiment de claustrophobie à l'ensemble. Et puis surtout, l'humour est plus froid et rare. Seule la sensualité s'immisce de façon toujours aussi prégnante dans le récit que dans le reste de sa filmographie. Enfin, les couleurs chaudes disparaissent du cinéma d'Almodovar pour concentrer le suspens sur quelques scènes fortes, plus vives que le reste du long métrage. La folie et le côté foutoir et anar de ses premières oeuvres ont disparu depuis longtemps au profit d'histoires tout aussi fantasques mais d'une froideur dans la réalisation qui peut désorienter, l'émotion étant moins au en rendez-vous.
Almodovar applique une recette bien huilée qui plait à son public. Rassurez-vous, nous n'en sommes pas à une désincarnation façon Tim Burton qui nous fait des "copier coller" de son style...Almodovar revisite sa patte en l'appliquant à un genre de cinéma et en lui rendant hommage. Ce n'est pas de l'autoparodie que d'invoquer le "vertigo" d'Hitchcock ou "les yeux sans visage" de Franju. Mais il est vrai que l' on sent que l'inspiration du cinéaste a besoin de respiration par ce biais là où son oeuvre était plus personnelle auparavant. Il est clair que ceux qui n'aiment pas le cinéaste espagnol détesteront ce film, les autres y verront une nouvelle réussite d'un maître du septième art qui, à 62 ans, prouve qu'il en a encore sous la semelle.
La piste aux Lapins :
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