Marco Bellocchio
En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé et la loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l'enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant...
Cinéaste souvent sous-etimé par la critique internationale et inconnu du grand public, Marco Bellocchio fait pourtant partie des grands cinéastes italiens (Le traitre, Vincere, Buongiorno notte, Le prince de Hombourg, Les poings dans les poches).
Avec L'enlèvement, le réalisateur de 83 ans signe une fresque historique certes d'une réalisation classique mais dont l'histoire est juste hallucinante. Cette période de l'Italie est assez méconnue et peu traitée au cinéma. Le pape Pie IX fut pourtant l'un des plus rétrogrades et conservateurs et ce n'est pas pour rien si l'ultra contesté Pie XII, qui ferma les yeux sur l'horreur nazie, prit son nom et fit tout son possible pour le canoniser. La quasi folie du personnage qui eu 30 ans de règne et fut le dernier souverain pontife à régner sur les régions d’Italie reprises par la force, est extrêmement bien rendue. Surtout, cette histoire d'enlèvement d'enfants soit disant baptisés, arrachés à leurs parents juifs, est juste incroyable. On y voit tout l'aveuglement de l’Église et la domination via des scènes d'humiliation incroyable des représentants juifs, considérés comme des sous-hommes. On comprends tout le terreau antisémite qui conduisit à la Shoa. Bellocchio montre tout le processus de manipulation d'un esprit non encore totalement formé, celui d'un enfant qui va vivre le syndrome de stockholm et tomber en admiration pour son kidnappeur.
On comprend pourquoi Steven Spielberg voulu pendant de nombreuses années adapter cette histoire qui fit scandale dans toute l'Europe, amenant même le très chrétien Napoléon III à s'insurger contre l'attitude du Saint père. Le fait divers historique devient sous la caméra de Marco Bellocchio l'occasion de saisir le basculement entre deux siècles de ce qui sera l'un des pires drames de l'humanité.
Cet opéra baroque, reconstitution flamboyante contre l’obscurantisme est absolument à courir voir de part sa thématique, l'émotion qui se dégage de la dernière partie et l'image magnifique de la photographie.
La piste aux Lapins :
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