De: François Ozon
Après un "Potiche" très frais, François Ozon confirme la régularité de son talent singulier avec une histoire pour le moins originale.
A la manière de "Swiming pool", Ozon va nous parler de la fascination qu'une jeune personne peut provoquer sur un adulte dont les rêves sont un peu derrière lui. Ici c'est l'élève d'un prof de français, joué par un Fabrice Luchini, parfait pour le rôle, qui va tirer les ficelles d'un jeu pervers dont on ne sait pas quel est le but. Mais les rapports humains de dépendance n'ont pas forcément d'objectif. Ici, il est question de la mise en place d'un rapport qui s'auto-alimente et pousse les protagonistes vers des situations borderline peu à peu, sans crier garde, de façon insidieuse.
Sur la thématique de comment conter une histoire et l'écrire, travailler un style, créer tout simplement, le réalisateur nous parle de la mise en scène de sa propre vie, de l'obligation pour l'artiste de provoquer des émotions dans son quotidien pour trouver l'inspiration, de théâtraliser cette vie pour y trouver des histoires à raconter. Pour se faire, le réalisateur a trouvé un jeune acteur excellent. Ernst Umhauer est troublant car il porte sur son visage longiligne cette absence totale de valeurs et cette cruauté propre aux enfants intelligents qui découvrent froidement le monde des adultes, disséquant ce dernier comme un insecte en cours de sciences naturelles.
Luchini joue quant à lui un type qui a raté sa carrière d'auteur et procède à un transfert sur le jeune homme, cherchant à revivre la réussite qu'il n'a pas connue dans le talent de ce dernier qu'il tente de guider. Mais le manipulateur n'est pas l'adulte et le professeur se trouve rapidement pris au piège dans un engrenage dont la fin reste le grand mystère tout au long du film.
Le professeur pardonne tous les écarts et ne fixe pas de barrières au nom de l'accomplissement d'un art derrière lequel se cache un désir inassouvi, celui de créer une œuvre avec une imagination et un style qu'il n'a pas lui-même. Mais c'est aussi l'aspect addictif d'un récit fictionnel et de ses rebondissements dont Ozon nous traite en filigrane. Il assimile le voyeurisme du lecteur au comportement d'un drogué qui ne saurait dire stop en se cachant derrière l'approche artistique de la démarche malsaine de l'adolescent.
En refusant d'apprendre la morale à son élève, au nom d'un anticonformisme qu'il fantasme alors qu'il se trouve lui-même prisonnier de clichés, le maitre perd son rôle et surtout sa maitrise. Sa créature va se révéler moins fictionnelle que prévue et plus imprévisible, plus dangereuse. Le coté passionnel de ce rapport épistolaire va alors consumer la vie du brave professeur de français. C'est que dans un rapport passionnel, il y a parfois un maitre et un esclave, un qui gère son ascendant et l'autre qui suit derrière et ne peut que s’autodétruire. Et le rapport des deux s'entretient de lui même pour aller de pire en pire. Ici le manipulateur se retrouve être le pantin transporté dans une histoire qu'il ne peut plus arrêter.
Le récit de François Ozon peut sembler moins sombre que d'apparence, l'ironie permettant de désamorcer un épilogue que l'on espère surprenant et noir depuis le début. Et comme le personnage le dit lui même, une bonne fin doit couper net et ne pas être attendue. En ce sens, Ozon boucle son film avec élégance et classe et prouve qu'il a atteint une certaine maturité, se débarrassant des quelques derniers écueils que son sens de la provocation laissaient transparaitre parfois.
Une grande réussite.
La piste aux Lapins :
Terrence Malick
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