De: Tim Burton
Voici donc la fameuse adaptation du classique de Lewis Caroll par Tim Burton ou plutôt de sa suite, "de l'autre côté du miroir". C'était une évidence en soit que Burton s'intéresse un jour à ce monde bien barré et hallucinogène.
Les critiques ont été très partagées et une bonne part d'entre elles estime que c'est l'un des plus mauvais films de Tim Burton.
Pour ma part, je suis sorti du film un peu dubitatif. Je l'ai préféré à tous ses longs métrages des dix dernières années.
Il faut reconnaitre que niveau visuel, il nous en met plein la vue. Le mélange d'acteurs réels et de personnages en image de synthèse fonctionne à merveille. Le monde est crédible, repeint à la sauce Burton et surtout, les personnages sont extrêmement bien croqués. Le chat de cheshire est vaporeux à souhait, le lapin blanc aux yeux rouges est complètement speed, la reine rouge jouée par Hélèna Bonham Carter est une super vilaine idéale ; enfin Johnny Depp s'avère curieusement sobre en chapelier fou et ne verse pas dans le cabotinage.
Mais voilà, passé cet étalage qui fait frétiller la rétine, que reste t'il ? Et bien deux heures où à plusieurs moments je me suis demandé si je n'étais pas en train de m'emmerder ferme. Car si l'imaginaire est joli, le scénario est en revanche bien linéaire, attendu voir blockbusterisé avec une fin digne d'un "donjon et dragons", vous savez, les films tous pourris adaptés du jeu vidéo !
De l'essence de l'histoire d'origine, il reste peu. Où sont passées les réflexions du chat qui poussent Alice à se poser des questions ? Que veux nous signifier Burton par cette belle illustration sans âme ? Pas grand chose. Ce sentiment de creux, de vide met d'autant plus mal à l'aise que les personnages courent de partout, qu'il y'a de l'action et de très belles images en permanence. Mais au final, la sauce ne prend pas. Ces personnages désincarnés n'ont certes pas de lien ou de fil directeur dans le livre mais le fait d'avoir voulu décrire une histoire est presque un défaut. La lisibilité évidente du scénario rend chaque scène ultra prévisible. Là où "Alice au pays des merveilles" est justement un conte déambulatoire sans réelle cohérence, Tim Burton nous afflige son histoire d'un déroulé mécanique, une application du petit manuel du comment raconter une histoire. Et bien en premier lieu on pose le décor, ensuite on présente les gentils puis les méchants. Scène suivante on se fait s'affronter les deux. Puis le gentil est très très mal et ses amis aussi. Mais face à l'adversité et dans un élan de courage, de découverte de soit ou de révélation simpliste, le héros se relève et réussit à vaincre le méchant. Point, fermez les rideaux, film suivant. Et si on adaptait "la famille Adams" ? Et bien si c'est pour nous pondre un truc aussi affligeant, ce n'est pas la peine Tim ! On s'en passera!! Car oui, grande révélation ! La poésie et la "magie" ne se décrètent pas, surtout quand on se contente de reprendre ce scénario bâclé par une tâcheron d'hollywood qui a pondu, pour vous situer le niveau, "le monde de Narnia, chapitre 1". On comprend mieux le résultat. Bref, tout ceci est assez fadasse bien que très beau.
Et là je rejoins les détracteurs qui ont été agacés par la musique pompier et "copier-coller" qu'on entend dans chaque Burton, c'est en gros la musique de "Edward aux mains d'argent" remixée. Ou bien dans l'imagerie "sleepy hollow" ou "Edward"....alors bien entendu, on vous dira que c'est une signature, tous ces beaux tournicottis...mais c'est justement ce côté industriel et duplicata qui gêne. Car Burton ne s'est-il pas contenté d'appliquer ses bonnes vieilles recettes sans chercher à s'approprier réellement l'histoire? En apparence, c'est du Burton ou plutôt c'est Tim Burton qui applique son visuel illustratif. Et nombre de critiques auraient certainement exigé plus du bonhomme, qu'il transcende le matériau d'origine au lieu de l'appauvrir scénaristiquement parlant.
La question que je me pose au final est surtout de l'intérêt d'avoir adapté "de l'autre côté du miroir" plutôt que "Alice au pays des merveilles". L'histoire de la petite fille aurait eu plus de consistance, à n'en pas douter. Mais bon, n'oublions pas que nous sommes dans une production Walt Disney et le coloriage sombre de Burton ne change rien au côté simpliste et un peu trop gentil du scénario d'origine.
La meilleure critique du film vient du lapin blanc en personne. Ce dernier s'interroge sur la nature d'Alice. Est-elle "la vraie" Alice ? Celle qu'il avait rencontrée quelques années plus tôt, lorsqu'elle était petite fille ? Qu'elle avait une imagination débordante... Où est-ce une "fausse Alice" ? Se serait-il trompé d'Alice en la ramenant du monde réel ? Je crois bien que oui.
La piste aux Lapins :
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