De: Ken Loach
Heureusement que Ken Loach a annoncé qu'il arrêtait le cinéma il y a trois films ! Car on a beau dire, certes il ne se renouvelle pas, certes son cinéma se reconnait entre mille, mais au moins, il témoigne.
Et le maitre de 83 ans n'a pas perdu une once de ténacité quand il s'agit de dénoncer l’absurdité des excès du capitalisme fou.
Là il s'attaque à Amazon et aux sociétés qu'elle utilise pour livrer au quidam n'importe où, n’importe quand et surtout rapidement sans se soucier des conditions de travail des chauffeurs. Car ces chauffeurs ne sont pas employés mais à leur compte, "prestataires" et la scène d'introduction où le responsable de centre de tri explique toute la liberté qu'offre ce type de job par rapport à un travail salarié, est à la fois drôle, ironique et glaçante.
Loach passera la suite du film à montrer l'exploitation de cette forme de salariat déguisé où l'employeur se débarrasse de toute forme de responsabilité, de protection du salarié et surtout, de morale. Le monde est comme cela donc on doit s'y adapter sans jamais s'interroger, sans jamais se poser et prendre un minimum de recul. Il y a des gens qui acceptent ces petits jobs aux horaires de 15 heures par jour, risqués pour leur santé, leur vie de famille et hyper mal payés. Oui, il y en aura toujours. Et-ce une raison pour les accepter et est-ce une raison pour accepter de cliquer sur "commander" lorsque l'on sait ce que ceci implique derrière ?
Loach élargit son constat à celui de l'épouse du "héros", qui travaille à domicile pour des personnes âgées et dont les conditions de travail imposent d'être la moins humaine et disponible possible pour assurer la rentabilité demandée. A ceci se greffe leur fils adolescent, compliqué à gérer, surtout quand on n'a plus de temps pour la famille et que du stress pour l'emploi. Certes, l'histoire de famille est là pour amener du liant, des émotions et comme à son habitude Ken Loach nous livre un film qui n'est pas sec et a du cœur.
Évidemment vous ne serez pas surpris par son propos, par là où il veut nous amener mais Loach semble plus sombre aujourd’hui, et sa conclusion raisonne comme celle d'un combattant qui ne voit pas trop comment continuer.
Qui dénoncera comme lui lorsqu'il sera parti ? Y a t il tant de réalisateurs que cela qui ont consacré leur carrière à souligner les abus et à leur donner du corps, de la chair et de l'âme ?
Si "Sorry We Missed You" n'est pas le plus original ni le plus réussi des films du Ken Loach, il n'en demeure pas moins un témoignage auprès duquel il serait si facile de passer aveuglément.
La piste aux Lapins :
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