De: François Ozon
François Ozon s'intéresse pour la première fois à une histoire vraie et quitte la fiction pour signer un brulot politique auquel on ne peut qu'adhérer.
Il va suivre plusieurs libérations de la parole et plusieurs combats d’hommes adultes ayant subi les sévices sexuels d'un prêtre, inspiré sans aucune précaution de l'histoire du prêtre Bernard Preynat, dont l'affaire est aujourd'hui traitée devant la justice. Ozon ne s’embarrasse pas de changer les noms puisque non seulement on le sent révulsé par l'affaire mais surtout le prédateur a avoué ses crimes. De la même façon, le cardinal Barbarin voit son nom utilisé tel quel, Ozon préférant prendre le parti des victimes et assumer jusqu'au bout, sans hypocrisie aucune. Il nous montre l'aveuglement du cardinal lyonnais et son incapacité à agir voire à minimiser les faits, axant sur le pardon de la première victime qui se manifeste en 2014 et utilisant la profonde croyance du personnage, joué par un Melvil Poupaud au sommet.
Son personnage est écartelé. Il a soif de faire éclater la vérité et surtout d'empêcher le monstre de briser d'autres enfances mais il est issu d'un milieu bourgeois très pratiquant qui ne peut se résoudre à accepter la vérité, quitte à trouver des excuses ou des simili solutions via le pardon. Certaines scènes sont d'ailleurs surprenantes car Ozon arrive à faire rire la salle de remarques complétement surréalistes d'individus vivant dans le déni total.
Denis Ménochet et Swann Arlaud vont chacun interpréter une autre facette sociologique des victimes issues de milieux sociaux différents. Leur jeu est excellent, juste, écorché pour Arlaud et empli de colère pour Ménochet. On va suivre leur combat, leur catharsis avec force et respect pour leur courage.
Le film est sidérant par l'absence de réaction de l'église, la peur de la société mais aussi porteur d'espoir et rassurant sur l'humanité de chacun grâce au combat juste et évident des personnages.
Ce film engagé et brillant fait tout de même halluciner à bien des reprises face à l'aveuglement général. On se dit que forcément les prédateurs sexuels d'enfants se portent naturellement vers ce type de métiers ou vers ceux liés à l'enfance et le malaise est présent. Combien doit-il être difficile pour un homme de pratiquer un métier au milieu d'enfants, avec cette peur sans cesse de déclencher la suspicion. Je ne pourrais que vous recommander le brillant "La Chasse" de Thomas Vinterberg pour vous donner un panel complet du sujet. Mais c'est hélas un mal nécessaire que cette suspicion et cette vérification permanente des parents. Et comme le dit le personnage de Melvil Poupaud à ses enfants, ces derniers doivent savoir que désormais ils savent qu'ils doivent parler, tout de suite.
Le propos de "Grâce à Dieu" est donc très puissant, la narration qui suit chaque victime avant de les réunir est d'une grande fluidité et les 2h17 passent au final assez vite. Ozon a dû sacrément se documenter pour donner autant de détails sur les réactions et comportements des uns et des autres et son caléidoscope social est tout simplement brillant de vérité et de complétude.
Un grand film sur la parole et un film bouleversant.
La piste aux Lapins :
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