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Cervantes avant Don Quichotte

De Alejandro Amenabar


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Alejandro Amenabar était un des cinéastes espagnols majeurs des années 2000, de "Ouvres les yeux" à son carton public et critique avec Nicole Kidman, "Les autres".


Si j ai trouvé son "Mar ardentro" un peu trop tire larmes à mon goût, son "Agora" visitait une période peu exploitée de l'histoire de l'Egypte, au moment où les chrétiens "nantis" se font submerger par les musulmans. Un très beau film et un trop gros échec commercial pour un budget tout aussi colossal.


Hélas depuis 15 ans, c'est compliqué pour l'artiste de 53 ans. Son Regression avec Ethan Hawke portait bien son nom, 6 ans après l'échec d'Agora. Puis il mit 4 ans à tourner "Lettre à Franco" qui sortit en 2019 dans la plus totale ignorance. Mais bon votre Blanc Lapin préféré croit aux come-backs, ils sont nombreux dans le 7ème art. Et quoi de mieux qu'une histoire liée à Don Quichotte, l'un de mes personnages favoris grâce à Terry Gilliam.


"Cervantes avant Don Quichotte" est plus exactement un biopic très largement inventé sur la vie Miguel de Cervantes, l'auteur du roman "Don Quichotte", durant sa jeunesse et sa captivité durant 5 ans à Alger en 1575. Que s'est-il passé durant cette période et en quoi elle aurait pu influencer l'auteur du roman premier best seller de l'histoire européenne après la Bible ? Cervantès est un soldat blessé de la marine espagnole âgé de 28 ans. Il est retenu prisonnier par des corsaires ottomans et un Pacha cruel qu'il va réussir à charmer dans tous les sens du terme.


Il va s'en sortir d'abord par ses talents de conteur qui vont le rendre populaire et créer de l’imaginaire et de l'évasion dans la tête des co-prisoniers chrétiens puis du Pacha lui-même. Le film est d'une facture un peu trop classique et pêche de vrais visuels enchanteurs qui auraient pu mieux emporter l'esprit du spectateur. Amenabar demande de vraiment s'attacher aux mots du personnage et moins aux images, ce qui est un choix économique probablement mais aussi conforme à l'idée qu'on peut se faire du pouvoir du conteur. Julio Peña et Alessandro Borghi sont très bien castés dans les rôles de Cervantes et du Pacha. Là où le film pourra en agacer plus d'un c'est qu'Alejandro Amenabar choisit une histoire homosexuelle et de faire de Cervantes un gay du 16ème siècle, ce qui n'a jamais été prouvé historiquement. On peut se dire, purée encore un personnage historique qu'on sexualise de la sorte. Pourquoi ? Il est vrai que le pacha en question a pour le coup historiquement laissé la trace d'avoir eu un harem d'hommes et Amenabar explique la survie de Cervantes à ses évasions par ce qu'il imagine être une relation plus proche qu'un simple poète écrivain auquel le pacha s'était attaché. Rien de prouvé donc mais pas impossible non plus. Le Pacha, souvent décrit comme impitoyable, devient ici un personnage ambivalent, fasciné par son prisonnier. Le scénario brouille habilement les frontières entre réalité et invention. Le captif, loin de se soumettre, use de ses histoires pour influencer son entourage, jusqu’à prendre symboliquement le dessus sur son geôlier. La figure du narrateur devient centrale : par ses mots, il modèle l’espace, fédère les autres prisonniers, et réveille le désir chez ceux qui le dominent.


À travers la relation trouble entre Cervantès et le Pacha, le film interroge les limites du pouvoir, de l’amour et de la liberté. Faut-il rester et céder au confort d’une cage dorée ou fuir pour retrouver sa vocation, quitte à tout risquer ? Le message du film résonne comme un appel à la tolérance face aux jugements moraux. La complexité des rapports humains, notamment autour des questions de sexualité, d’empathie et de trahison, irrigue le cœur du récit. Si la mise en scène reste parfois illustrative, elle accompagne un propos fort sur la création littéraire comme issue face à l’oppression, où l’imagination devient acte de résistance, et où la liberté, même entravée, garde sa puissance subversive.


La piste aux Lapins :


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