De: Luca Guadagnino
Au début des années 1980, Elio, 17 ans, passe ses vacances dans la maison de famille de ses parents au Nord de l'Italie, entouré de son père, professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, de sa mère, traductrice, et d'amis du village. Intelligent et fin voire érudit, Elio ne connait encore rien du sexe et de l'amour. Oliver, un américain étudiant en doctorat, est invité par son père à venir terminer ses études, logé chez eux durant trois semaines. Elio et Oliver vont d'abord de se rejeter avant de vivre une histoire passionnée.
Après un parcours en festivals triomphant depuis un an, voici enfin la romance gay "Call me by your name". Il n'y a rien d'étonnant à ce que le grand James Ivory (Maurice, Les Vestiges du jour, Retour à Howards End) soit le scénariste de ce roman d'André Aciman, tant on retrouve ses thèmes de prédilection, des individus éduqués dont les désirs doivent rester cachés pour des raisons sociales.
Luca Guadagnino avait quant à lui surpris avec le superbe "Amore" avec Tilda Swinton, qui contait déjà une histoire de passion entre une femme mure et le meilleur ami de son fils. Avec "Call me by your name", il signe un chef d’œuvre de subtilité, prenant son temps pour installer le désir, puis le sentiment, jouant avec notre impatience, y mettant même un certain suspens, et arrive à saisir des sentiments particulièrement complexes à traduire à l'écran.
Bien sûr, ses deux acteurs tout comme les parents joués par Amira Casar et Michael Stuhlbarg sont excellents. Ce dernier donne même l'une des scènes les plus poignantes du film, un discours de père à fils d'une profonde bienveillance, d'un recul sur la vie qui réchauffe le cœur au moment où le film vient de vous tirer les larmes les plus désarmantes.
"Call me by your name" n'est pas un film mièvre, ou facile et n'apporte son lot d'émotions qu'au terme de son histoire, mais de façon assez déconcertante de simplicité.
Tout le reste du film est l'histoire d'un éveil à la sensualité, au premier sentiment amoureux, à travers des détails, des regards, le trouble que provoque ce sentiment chez le personnage d'Elio. Timothée Chalamet est solaire dans ce rôle d'un jeune homme plutôt arrogant, qui sait qu'il est cultivé et qui ne cherche qu'à découvrir son premier amour. Il est surtout poignant dans la finesse de son jeu lorsqu'il exprime les sentiments qui l'assaillent. Un rôle loin d'être évident, qui évolue peu à peu par petites touches et qui doit probablement à une très bonne direction d'acteurs. Face à lui, Armie Hammer ne fait pas preuve d'un charisme de fou mais il incarne la masculinité brute, le sportif cultivé, séducteur et qui refoule son homosexualité aux yeux de la société.
C'est d'ailleurs un jeu de cache cache qui débute rapidement entre ces deux garçons qui sont surpris et curieux de cette rencontre. L'indolence des personnages, qui profitent de cet été gorgé de fruits, de littérature, d'archéologie, ainsi que le rythme doux et lent du film, laissent la place à l’observation du moindre détail des personnages. Le spectateur est en attente, en témoin impudique d'une histoire pourtant d'une extrême pudeur. C'est une mise en scène sophistiquée qui arrive à s'effacer derrière son sujet, à n'y laisser paraitre que la simplicité de ce genre d'histoire, universelle en soit et donc d'autant plus prenante. Certes, celles et ceux ayant connu la passion seront probablement plus sensibles au film que les autres.
Le réalisateur installe une tension dans ce duo lumineux, en distillant lentement des petits pas, montrant leurs hésitations, leurs doutes, les allers-retours entre ces personnages qui s'attirent puis se rejettent avant d'arriver vers le basculement du jeune homme. Ces sentiments sont tous exprimés avec une économie de mots au milieu d'un été radieux, avec un homo-érotisme pudique tout au long du film.
Luca Guadagnino va donc durant deux heures faire monter la passion devant nos yeux, de façon fluide. Il use du jeu de distance et de proximité des personnages dont la scène où ils se révèlent l'un à l'autre, autour d'une statue au milieu d'une place. Une scène qui résume à elle seule le talent de mise en scène qui nous tient en haleine.
Puis le réalisateur va donner la luminosité de l'apogée de cette passion, son vertige ainsi que le bonheur hors sol qui s'en dégage jusqu'au déchirement qu'elle provoque inévitablement. Le film passe d'une légèreté quotidienne de cet été où les personnages se jaugent à une charge émotionnelle qui finit par exploser.
La finesse du film résonne longtemps après la séance, à tel point qu'on aimerait prendre des nouvelles du petit Elio, tant le personnage est attachant, déchirant et désarmant face à ce qu'il vient de vivre. Il y a dans "Call me by your name" à la fois le bonheur du meilleur de la passion et son deuil impossible car il est la traduction de la perte d'une parenthèse enchantée, forcément magnifiée. Le sol se dérobe et pourtant la vie continue et on voudrait connaitre la suite tant Timothée Chalamet excelle d'intensité dans ce plan de fin de film. Malgré cette fin bouleversante, le pathos n'a pas de prise sur le film, ce qui est là aussi l'une des réussites bluffantes de "Call me by your name".
Voilà, allez-voir ce film éblouissant d'humanité, de grâce, de simplicité qui vous imprégnera pour un long moment, ce qui est la marque des films majeurs.
La piste aux Lapins :
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