De Jonathan Glazer
The Zone of interest de Jonathan Glazer est le Grand prix du dernier festival de Cannes 2023, et c'est une sacrée claque de cinéma, un choc qui vous restera longtemps en tête.
Jonathan Glazer m'avait scotché avec Under the skin où Scarlett Johansson jouait une extraterrestre vénéneuse, un chef d’œuvre troublant.
Sandra Hüller, actrice de l'autre grand film de Cannes 2023, la palme d'or Anatomie d'une chute, est terrifiante dans le rôle de cette femme parvenue, montée dans l'échelle sociale grâce à son mari haut gradé de l'armée nazie et responsable zélé de l'extermination des juifs à Auschwitz. La banalité du mal qu'elle incarne, son absence totale d'empathie pour ce peuple exterminé en masse de l'autre côté du mur de son beau jardin verdoyant, est glaçante.
Le film suit la famille du dirigeant du camp d'Auschwitz. Mais pour montrer l'horreur et la monstruosité d'individus qui font un travail et sont totalement déconnectés de l'humanité et de la morale, le réalisateur choisit de ne rien montrer du génocide. Et c'est absolument brillant comme idée de mise en scène où le hors champs devient le personnage principal, aidé d'une bande-son exceptionnelle où l'on entend des coups de feu, des cris d'officiers allemands ou de victimes qu'on imagine descendre des trains ou être poussés vers les chambres à gaz. C'est effrayant et j'ai été sidéré du début à la fin par la façon dont Jonathan Glazer arrive à nous happer dans cette horreur sans jamais rien montrer.
Par des scènes ultra marquantes il arrive à souligne l'ignominie absolu et nous clouer au fauteuil. C'est très différent que le Shoah de Claude Lanzmann, référence absolue pour montrer l'immontrable. Là le réalisateur choisit de ne pas montrer et pourtant c'est tout aussi horrible. Regarder le monstre dans les yeux, son quotidien de petit bourgeois et des scènes confondantes d'efficacité. Que ce soit des cendres qui font sortir de leur baignade les enfants du couple, l'adolescent qui s'amuse avec des dents en or, le jardiner qui utilise des cendres , la femme qui distribue à ses femmes de ménages des vêtements récupérés sur les juifs et la scène du manteau de fourrure qu'elle fait repriser....et bien d'autres...chaque scène vous marquera.
Le malaise face au devoir de mémoire qui s'efface, voilà ce qu'arrive à créer La zone d'intérêts.
Dans ce film sans histoire réelle en forme d’uppercut, deux scènes arrivent à tirer les larmes alors qu'elles sont d'une simplicité confondante. Un film bouleversant dont l’expérience sensorielle amène à se dire que tous les adolescents devraient le voir, pour comprendre l'incompréhensible.
Jonathan Glazer a réussi à éviter le spectacle et l'esthétisation de l'enfer en filmant les bourreaux et tout ce qu'ils avaient d'inhumain, à l'image de La mort est mon métier de Robert Merle, biographie romancée du personnage de La Zone d'intérêt, Rudolf Höß , commandant du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz.
La densité du résultat font de La Zone d'intérêt un chef-d'œuvre formel qui vous mettra en état de sidération mais une sidération nécessaire pour ne rien oublier, jamais rien oublier.
La piste aux Lapins :
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