De: Abdellatif Kechiche
Ce qui surprend le plus rapidement à la vision de cette palme d'or, c'est le naturel du jeu des deux actrices principales, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux. D'ailleurs la palme leur a été remise en même temps que pour le film. Un jeu si fluide, si proche du non jeu, qu'on pourrait se croire plongé dans un documentaire, tels des témoins de l'éveil à la sensualité puis à la sexualité puis à l'amour de la jeune Adèle.
Kechiche peut être critiqué pour ses méthodes, le résultat est en tout cas là, dès les premières minutes, Adèle nous semble éminemment proche. Elle est fragile, naive, adolescente en pleins questionnements, et ses tâtonnements pour devenir adulte et assumer son homosexualité sont touchants, tendres.
La réalisation n'a rien du truc, de l'effet de mise en scène, l'histoire est simple mais a le mérite de traiter de son sujet de façon fluide...sans trop de didactisme, quoique...un brin d'attendu m'a parfois gêné. On y suit la construction d'un couple sur un antagonisme pourtant évident dès le départ, qui contient les germes de son basculement. Et pour le coup, on se fout de la sexualité des protagonistes. Non ici le problème c'est le décalage de milieu social entre le monde arty du personnage de Léa Seydoux et celui plus pratique et ancré au concret d'Adèle, étudiante puis institutrice. Le traitement de cette dichotomie se fait tout en finesse, sans pointer du doigt personne, juste constatant un certain déterminisme social que même l'amour ne peut pas toujours surmonter.Car un couple évolue...et lorsque les fondements ne sont pas solides, tout peut prendre feu.
Kechiche filme les corps, les visages et laisse aux regards le soin de compléter les non dits, car le film n'a pas besoin de plus.
On croit à cette histoire à chaque instant et peut être parceque le sexe y est cru. Kechiche avait il besoin d'en montrer autant ? Pas forcément...certes les scènes sont sensuelles mais au bout de plusieurs passages très cash, on finit par trouver le temps un peu long. Disons que Kechiche applique ce parti pri de prendre son temps pour toutes les situations. C'est ce qui fait la réussite et le naturel du film...le montage ne vient pas briser l'histoire, ce qui s'avère atypique. Mais c'est aussi la limite de l'exercice.
J'apporterais en effet un bémol. A trop jouer sur le non resserrement de l'histoire tout en restant fluide certes, une partie de l'émotion s'est, pour ma part, évaporée. Un sentiment curieux étant donné le contenu plutôt élogieux de ma critique. Comme si le trop plein de vrai et de réalisme avait finis par désamorcer l'impact de l'émotion finale. C est très personnel. Je ne peux donc que vous conseiller de voir "La vie d'Adèle" mais il est vrai que le film ne restera probablement pas dans mon top ten de cette année, son naturalisme étant autant son point fort que son point faible. Ce n'est disons pas un coup de cœur...Cependant le film s'avère subtil et émouvant sur la fin, une fin où on aimerait suivre Adèle un peu plus longtemps malgré les 3 heures, histoire de vérifier que tout ira bien pour elle après. L'idée d une éventuelle suite évoquée par le réalisateur, sans Seydoux étant donné la polémique, mais avec Adèle, n' est donc pas grotesque. Et puis c'est assez rare de voir le sentiment amoureux, passionnel, exposé de façon aussi claire, aussi crédible.
C'est juste que je n'ai pas été happé comme nombre de critiques. Le lapin blanc aurait il vu son sang tourner au froid ? Non je ne crois pas...
La piste aux Lapins :
Terrence Malick
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