De: Naël Marandin
Le cinéma français est en très très grande forme. Après les superbes films de genre "Teddy", "La Nuée", le magnifique comte "Gagarine", pour ceux qui ont accroché la Palme d'Or Titane, le tour de force de mise en scène "Annette", l'excellent polard "Bac Nord", voici un nouveau grand film.
Sur le papier l'histoire de "La terre des hommes" a tout du sujet ultra casse gueule.
C'est un peu #MeToo rencontre le drame paysan et donc forcément, mélanger deux thèmes sociétaux parmi les plus médiatisés de ces dernières années aurait pu franchement vriller putassier et facile.
Il n'en n'est rien grâce d'une part à une réalisation au cordeau, qui sait alterner caméra qui suit de dos l’héroïne, la prend en plan super serré lorsqu'elle est perdue, sait s'échapper pour filmer la campagne et l'angoisse, l'isolement qui peut se dégager de certains paysages.
Bien sûr, Naël Marandin filme l'emprise avec un Jalil Lespert en prédateur sans scrupules qui piège sa victime par son pouvoir et surtout sa manipulation. Les cadres sont physiquement étouffants. Et c'est en partie la force du film, que de ne pas tomber dans une histoire de viol évidente mais dans un viol perpétré par un prédateur qui met le doute, lui insère dans la tête tout le poids de la culpabilité. La scène est d'ailleurs très importante car elle montre sur quoi le prédateur va se défendre et surtout le fait qu'il est lui-même convaincu d'avoir recueilli un consentement. Cette nuance et ce double regard de l'un et de l'autre est sacrément gonflé mais donne une force, une puissance au propos.
Diane Rouxel est prodigieuse dans ce rôle et mériterait un César pour cette prestation intériorisé, ce regard de doute, puis de détermination, puis de peur, parfois mélangés ensemble.
Car "La terre des hommes" parle aussi de la dureté du monde payant, avec un Olivier Gourmet en père aimant mais dépassé, toujours aussi excellent ou un Finnegan Oldfield, en compagnon à fleur de peau, qui se bat pour avoir des rêves, qui croit que le couple peut faire son trou dans ce milieu d'une dureté incroyable.
On y voit des ordures, des rapaces prêts à dépecer le premier collègue qui sera mis en liquidation judiciaire, dépendant d'autorités agricoles très politiques où le pouvoir est détenu par quelques uns, dont le loup de l'histoire.
Le film a donc cette double facette, ce double intérêt de traiter de la pauvreté paysanne, de la jeunesse paysanne qui voit tout de même de l'espoir et se bat pour des projets, confrontée à la froideur d’une administration gangrénée par quelques apparatchiks qui ont droit de vie ou de mort sur leurs rêves. Et face à cela, le réalisateur ajoute le sujet de l'emprise.
La maitrise du sujet...enfin des sujets, le scénario taillé avec justesse, le jeu des acteurs impeccable font de "La terre des hommes" une excellente surprise de cette rentrée de septembre.
La piste aux Lapins :
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