De: Jacques Audiard
On a beaucoup critiqué cette Palme d'or attribuée au plus grand cinéaste français actuel. On lui a reproché d'être réactionnaire par sa vision étriquée de la banlieue française, montrée à travers le seul prisme de gangsters ultra violents. Il est vrai que cette histoire de réfugiés politiques fuyant le Sri Lanka et se retrouvant dans un autre enfer peut surprendre, d'autant que la vision de l'intégration en Grande-Bretagne y est montrée de façon idyllique...
Mais ces reproches, si ils peuvent se comprendre en partie, ont tout de même un goût très politique et oublient deux éléments importants du choix de Jacques Audiard. Tout d'abord Audiard dévoile un film noir se situant dans un contexte bien particulier et n'a aucune ambition de dresser un portait complet des visages de la banlieue. Et ces critiques sont assez insultantes à l'égard de l'intelligence du spectateur et d'Audiard lui-même. Nous avons tout de même assez de recul pour resituer l'histoire. Cette image pourrait conforter des électeurs extrémistes dans leur vision apocalyptique du terrain banlieusard...peut être...après on ne peut pas toujours contrôler la connerie. Si ces derniers sont assez idiots pour résumer banlieue à chaos, et bien comment dire, pauvres d'eux mêmes !
Plus intéressante est l'actualité dans laquelle le film sort, en plein drame des réfugiés. Le hasard des calendriers est terrible et le film est intéressant parcequ'il montre ce qu'offre l'intégration à la française. La petite fille apprend grâce à l'école et s'intègre plus facilement que ses "faux" parents à qui on n'offre pas grand chose pour s'en sortir. Le film s'intéresse au repli identitaire, difficile à contourner lorsque la langue ne peut pas être maitrisée. Et puis surtout, en faisant débarquer en France une famille de toc de trois personnes ne se connaissant pas, Audiard ne choisit pas l'angélisme et donne corps à une histoire parfois bouleversante, de trois individus sans aucune racine, étrangers entre eux dans leur propre refuge, devant à la fois s'adapter à un pays et se découvrir entre eux.
Et puis Audiard prend la tangente et passe au thriller...le tout donne un résultat curieux, pas son meilleur film mais un très bon résultat tout de même.
Le film est parfois violent mais pourtant il se dégage de Dheepan quelquechose de plus doux que dans les autres films d'Audiard, amorcé dans "De Rouille et d'Os". On assiste à la construction d'une relation amoureuse au fil d'un récit tantôt film social, tantôt film noir. Cette alternance fait du long métrage un objet fragile, souvent plus maladroit mais aussi plus aimable que de plus grands films d'Audiard.
La piste aux lapins :
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