De: Bertrand Bonello
Un sentiment étrange s'est emparé de moi en regardant le travail de Bertrand Bonello.
C'est un travail d'artiste, d'orfèvre, optant pour des choix de mise en scène plus prononcés et originaux que ceux de ceux du "Yves Saint-Laurent" de Jalil Lespert, et pourtant, plus froids, à mon goût.
Bonello, faute d'avoir eu accès à la garde roble, choisit à un moment de montrer une robe refaite par saison de chaque année dans le cadre identique d'un escalier d'où descendent les modèles. A un autre moment, il fait intervenir un mannequin nu et un mannequin habillé pour exprimer le sentiment de perdition de Saint Laurent dans la drogue, en perte de repère voire d'inspiration. Il utilise également des serpents pour illustrer sa période sous acides...Autant d'excellentes idées pour imager son propos...autant d'effets qui pourtant ne m'ont pas emportés. La longueur du film m'a hélas perturbé à bien des moments, le film s'étirant beaucoup trop sur la période de décadence de Saint Laurent et de son amour passionné pour Jacques de Bascher.
La fascination qu'il a pour le personnage de ce dandy qui n'aime personne et met en scène sa vie, est certes bien rendue mais peut être trop, et surtout, trop longtemps. Alors rassurez vous, celles et ceux qui ont vu l'autre Saint Laurent ne verront pas les mêmes époques traitées de la même manière et les deux films peuvent être visionnés sans trop de redite.
Gaspard Ulliel est parfait dans le job comme l'était Pierre Niney. Il a peut être un peu plus de trouble et de dualité dans son jeu, quoique...non vraiment les deux ont au final livré une excellente interprétation. Disons que Gaspard Ulliel arrive très bien à interpréter la douceur et la distance mélée de Saint Laurent, perché dans sa création et déconnecté du réel.
Le film s'intéresse donc à ce qui constitue l'inspiration du personnage, tentant de s'éloigner du biopic classique et de la chronologie, faisant des allers retours entre fin de vie et passé, utilisant l’icône Helmut Berger pour interpréter Saint-Laurent vieux. Outre le clin d’œil cinéphile appuyé, un peu trop d'ailleurs, ce choix de casting renvoie à la destruction physique d'un être d'une très grande beauté et d'un très grand talent, perdu dans les limbes d'une vie de débauche.
Hélas le rythme comme le montage du film m'ont je pense exclu en partie du récit à plusieurs reprises. Et alors que l'autre film était tiré des mémoires de Pierre Berger, plutôt à son avantage, il avait une force de frappe émotionnelle plus évidente. Ce "Saint Laurent" provoque moins aisément l'empathie. Car au fond, Saint Laurent s'amourache d'un personnage séduisant mais qui ne l'aime pas du tout, joue avec lui et a une épaisseur toute relative dès lors que l'autodestruction et la provocation sont retirées. Le premier film mettait l'accent sur un amour malmené de Berger pour Saint Laurent alors que le second s'intéresse au désir passionnel du couturier pour un type pas très intéressant bien que probablement fascinant.
La piste aux Lapins :
Terrence Malick
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