De: Bouli Lanners
Depuis "Eldorado", je surveille de très près l'acteur-réalisateur Bouli Lanners, vu chez Gustave de Kernvern et Benoit Delépine (Avida, Louise Michèle), pote de Benoit Poelvoorde et fidèle de Benoit Mariage (Les Convoyeurs attendent, Cowboy).
"Ultranova", "Eldorado" et "Les Géants" étaient donc ses trois réalisations saluées par la critique.
Avec "Les Premiers, les Derniers", Bouli Lanners s'offre le premier rôle aux côtés d'un autre de ses amis, Albert Dupontel, avec lequel il partage une exigence, à savoir réaliser des films personnels et non appliquer des recettes de comédie.
Il va même ici se faire le plaisir de convoquer deux acteurs octogénaires cultes, Michael Lonsdale et Max Von Sydow.
Le film suit deux chasseurs de primes, chargés de récupérer un téléphone portable compromettant pour un mafieux obscur. Ils écument une plaine plutôt déprimante où les autochtones vivent vraiment loin du monde des villes. Mais sur leur chemin, ils vont tomber sur un couple de gamins paumés et un peu simples, et bousculer un peu leurs projets.
Avec son histoire dont on a du mal à voir où elle part au démarrage, Bouli Lanners opte en fait pour un mixte. Il alterne entre cinéma social et comédie amère qu'il teinte de poésie par endroits, de réflexions sur le sens de l'existence à d'autres moments, puis de religieux, de méchants aussi cons que profondément humains dans leur égos rabougris. Au milieu de cela, Albert Dupontel fait preuve de la sobriété qu'on lui connait chez les autres (et paradoxalement moins quand il est derrière la caméra). Son personnage est surprenant. En vieux garçon qui a bien bourlingué mais a une vie de merde. Il arrive à nous toucher à des moments où on ne s'y attend pas. A contrario, Bouli Lanners joue sur l'émotion d'un type pas si désenchanté que cela, qui n'a plus rien à perdre et va donc se consacrer à une bonne action, aider deux gamins encore plus paumés que lui.
"Les Premiers, les Derniers"est un film doux et profondément humain, avec des personnages qui tendent la main à d'autres dans un univers quasi post apocalyptique alors qu'il n'est en fait que le reflet d'une campagne désertée par le chômage. Le ton change souvent, d'une scène contemplative à un accès de violence, d'un moment de poésie à un autre de burlesque et d'absurde, créant ainsi un climat très particulier. On est toujours à la limite de la sauvagerie. Mais l'humain rejaillit au bon moment. Bouli Lanners nous montre à quel point tout ne tient qu'à un fil et qu'il faut un effort particulier pour conserver une empathie et une bienveillance pour son prochain lorsque le cadre sociétal a disparu.
On est un peu perdus aussi parfois, peut être parceque le scénario aurait mérité d'être plus resserré. C'est volontaire puisque ceci créé un sentiment curieux, à l'image des personnages et de leur milieu mais ceci peut aussi désarçonner certains. Le film prend son temps et ce temps, qu'on ne prend plus, ses silences, qu'on remplit trop souvent, peuvent aussi rebuter certains. Moi j'ai plutôt trouvé l'exercice réussi et surtout, original.
C'est un film d'espoir au milieu d'une contrée ravagée, un western moderne, âpre, parfois drôle, un bon film très attachant auquel on repense plusieurs jours après, ce qui en général est très bon signe pour sa bonification à venir.
La piste aux lapins :
Terrence Malick
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