Les meilleurs films du Blanc Lapin 2024 / N°44 à N°21
- Blanc Lapin
- 20 déc. 2024
- 35 min de lecture

Comme chaque année depuis 15 ans, je poursuis le classement des films qui ont marqué 2024 selon votre blanc lapin préféré. Après les pires films de l'année 2024, et après voir vu 134 films sortis cette année au cinéma ou sur les plateformes, on commence donc les meilleurs films. Deux tendances. Déjà une chute du nombre de films originaux sur les plateformes et en particulier sur Netflix, divisé par deux voire trois selon à quelle année on compare. Le désengagement du N rouge dans la postproduction de films d'auteurs de renom se sent carrément. Second constat, je vais parler de 46 longs métrages sur 134 vus (oui il y a des ex aequo ;)), ce qui est un record. Record car ces 46 films ont reçu une note de 4 lapins minimum et record sur le nombre de films vus, le plus élevé depuis 15 ans, signe aussi du dynamisme de la production malgré la tendance de recul des plateformes.
On commence donc cette première partie du classement, les 20 premiers venant dans quelques jours.
N°44 - "Solo" de Sophie Dupuis

Simon, étoile montante de la scène drag queen de Montréal, rencontre Olivier, la nouvelle recrue du bar-spectacle où il se produit. Alors que Simon croit vivre une électrisante histoire d'amour, il s'installe entre eux une dynamique toxique découlant de la personnalité narcissique d'Olivier. En parallèle, Claire, la mère de Simon, célèbre chanteuse d'opéra, revient travailler au pays après 15 ans d'absence. Fasciné par cette femme qu'il ne connaît presque plus mais qu'il idéalise, Simon s'obstine à essayer de créer un lien avec elle. Fragilisé par l'échec de ces deux amours impossibles, Simon n'aura d'autre choix que de se rendre compte qu'il mérite mieux.
Pour son troisième film, Sophie Dupuis réussit un très beau portrait de jeune homme totalement assumé dans son homosexualité et sa passion du travestissement queer mais qui va vivre une relation toxique assez raide.
Pour jouer l'amant qu'on a franchement envie de baffer, elle a recours à ,Félix Maritaud, qu'on avait découvert dans 120 battements par minute, puis Jonas, Sauvage et un Couteau dans le cœur. On est content de le retrouver après 5 ans sans rôle marquant. Il est infect et manipulateur à souhait. Il est vrai que son personnage pourrait être caricatural mais ce type d’individus existe hélas.
Pour jouer son héros qui va passer de la lumière de la passion à l'enfer en descendant 20 étages d'un coup, elle renoue avec le héros de son premier film, Théodore Pellerin, qui avait retenu l'attention dans Chien de garde en 2018 mais qui avait eu du mal à trouver des rôles marquants depuis. Ici il est merveilleux de finesse et subtilité tout comme dans l’excellente série Becoming Karl Lagerfeld où il joue le meilleur Jacques de Bascher que j'ai vu et vole la vedette au personnage de Lagerfeld tellement sa prestation imprègne la pellicule.
J'espère vraiment que cet acteur va percer car i brillant. Je le dis d’autant plus que les films dont la thématique est le milieu des drags queens m'attirent assez peu. Ça m’intéresse peu en fait. Probablement parceque la futilité du paraitre comme mode de vie me bloque un peu. Or justement, la force de Théodore Pellerin et de la réalisatrice Sophie Dupuis est de rendre cette histoire de passion dévorante et ce milieux intrigants et attachants à la fois. Un très bon film à découvrir en streaming.
La piste aux lapins :

N°43 - Un silence de Joachim Lafosse

Silencieuse depuis 25 ans, Astrid la femme d’un célèbre avocat voit son équilibre familial s’effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice.
Joachim Lafosse m'avait laissé un peu de marbre avec "Les Intranquilles" qui traité de la bipolarité mais se répétait beaucoup. Ici il réussit à tenir le spectateur en haleine en montrant peu et en découpant au scalpel la mécanique de l'aveuglement d'une femme et sa capacité à enterrer durant 30 ans un secret monstrueux qui pourrait faire éclater son couple, sa famille et son statut social. Inspiré d'une histoire vraie dont je ne parlerai pas ici pour ne pas vous spoiler le film, "Un silence" monte graduellement en puissance, le regard froid d'Emmanuelle Devos refusant l'inéluctable jusqu'à réaliser sa culpabilité dans l'aide et le soutien qu'elle a donné à un monstre pour les raisons évoquées. Daniel Auteuil n'a pas été aussi bon depuis longtemps dans ce rôle pas facile à tenir.
Le film est certes glaçant mais il vaut tous les discours pour inciter les témoins à parler et briser ce silence complice de crimes. Retranscrire cette nature humaine et les recoins sombres ou lâches était un sacré défi hautement relevé par son réalisateur.
Ce thriller subtil est salutaire dans le message envoyé aux victimes et leur entourage pour parler, surtout parler, quoiqu'il en coûte.
La piste aux lapins :

N°42 - Beetlejuice Beetlejuice de Tim Burton

Cette suite annoncée depuis 15 ans du classique de Tim Burton, sorti en 1988, arrive Donc enfin 36 ans après !
Évidemment on prend plaisir à retrouver Winona Rider plutôt bien conservée à 52 ans, Michael Keaton, le Batman de Burton en grande forme, Catherine O’Hara, ou de petits nouveaux comme Willem Dafoe, Jenna Ortega la star de Mercredi et Monica Bellucci, nouvelle compagne du réalisateur.
Mais surtout on prend le même plaisir qu’Un bonbon acidulé vous rappelant le meilleur de Tim Burton, comme un best of. Enfin le réalisateur a retrouvé une forme d’inspiration après 20 ans de films pas très moyens où il faisait des copier-coller de don univers gothique. A part Big Fish, Charlie et la chocolaterie et Sweeney Todd, le reste était souvent gênant à regarder et triste de voir un réalisateur au style si particulier perdre son identité qu’il avait bradée à Disney. On ne sentait plus l’envie et surtout, le grain de folie.
Si Beatlejuice Beatlejuice est loin de ses plus grands films, il réussit donc à remettre son réalisateur sur le bon chemin.
On passe un moment divertissant dans un film de carton pâte aux effets spéciaux assumés comme hold school et au charme rappelant le meilleur de Burton.
L’humour et le décalage font enfin leur retour, Tim Burton semblant s’être amusé à se replonger dans l’univers qu’il avait imaginé. Et ceci fait plaisir à voir, le public étant pris à partie avec quelques excellentes idées de mise en scène comme le train disco et autres retours de vers des sables. Un bon moment.
La piste vaux lapins :

N°41 - La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume
De Wes Ball

"Les singes sont devenus l'espèce dominante vivant en harmonie et les humains ont été réduits à vivre dans l'ombre. Alors qu'un nouveau chef tyrannique des singes construit son empire, un jeune singe entreprend un voyage éprouvant qui l'amènera à remettre en question tout ce qu'il sait sur le passé et à faire des choix qui définiront l'avenir des singes comme des humains."
César, mort depuis longtemps est devenu une figure religieuse et Proxima César, l'empereur des singes s'est doté de son nom par symbole.
Alors que le 1er épisode du reboot de la série de films La planète des Singes, avait surpris tout le monde de part la qualité des effets spéciaux, de l'intrigue et de la mise en scène, le second film de cet immense préquel au chef d’œuvre de 1969, m'avait un peu déçu. Matt Reeves, qui reprenait le flambeau avait livré un très bon divertissement hélas trop centré sur l'action et surtout terriblement manichéen dans l'archétype des personnages. Ce défaut toujours présent dans le troisième volet fut secondaire grâce à la mise en scène peut être moins épileptique et surtout une histoire bien mieux écrite.
Globalement cette trilogie fut donc une réussite et surtout elle avait une fin, ouverte certes mais le cycle était terminé. Le box office des trois films était de 1,6 milliard de dollars. Mais Disney a racheté la Fox et depuis mars 2019, le studio détient les droits et ne compte pas s'arrêter là.
Ce nouveau film La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume est mis en scène par
Wes Ball, réalisateur des gentils films dystopiques pour ados Le Labyrinthe.
Mais conscient qu'il n'est pas évident de passer derrière un succès, ce dernier a choisi d'assumer la continuité avec la première trilogie puisque dès les premières scènes ont voit l’enterrement de César et on se projette 300 ans plus tard. Les singes ont alors évolué et savent tous parler tandis que les humains ont régressé.
Wes Ball était le bon choix car il sait filmer les grands espaces dystopiques et post apocalyptiques et il nous donne à voir de superbes plans des vestiges d'une humanité sur laquelle la nature a repris ses droits. C'est toujours un spectacle fascinant et ce n'est pas nouveau mais ici c'est très réussi car tourné en grande partie en décors naturels sur lesquels les incrustations de CGI ont eu lieu. Et la société WETA, chargée des effets spéciaux a encore progressé depuis 7 ans et le dernier film. On n'y voit que du feu. Les singes sont hyper expressifs et les gros plans sur leurs visages est juste bluffant.
Mais la prouesse technologique n'est pas la seule force du film. Sur la base d'un scénario basique et simple, Disney a décidé de conserver les producteurs de la trilogie précédente pour assurer une cohérence. Et il y a une continuité très claire, un héritage. Les personnages sont attachants et la confrontation des points de vue entre des singes et quasiment un seul personnage humain, une jeune femme, de tout le film, est vraiment intéressant. Deux espèces peuvent-elles cohabiter sur une planète en dominant le règne animal ? C'est le thème principal du film et le thème de la bascule de ce monde qui annonce une suite qui pourrait là aussi s'avérer fort intéressante psychologiquement parlant.
Bien sur, c'est un blockbuster et un film d'action avant tout. Bien sur de nombreux personnages ne surprennent pas. Mais c'est davantage le lien ou la discorde entre les personnages qui fait sens.
Vraiment une série de films de grande qualité qui ne prend pas les spectateurs pour des abrutis. Un gage qu'il convient de louer.
La piste aux Lapins :

N°40 - "All we imagine as light" de Payal Kapadia

Sans nouvelles de son mari depuis des années, Prabha, infirmière à Mumbai, s'interdit toute vie sentimentale. De son côté, Anu, sa jeune colocataire, fréquente en cachette un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Lors d'un séjour dans un village côtier, ces deux femmes empêchées dans leurs désirs entrevoient enfin la promesse d'une liberté nouvelle.
Après le très intelligent Santosh sorti en juillet, voici cet autre très bon film indien qui est passé en sélection cannoise pour la palme d'Or en mai dernier. De nouveau, bollywood est très loin et un cinéma social, assez rarement exporté jusqu'ici de la part de l'Inde, nous montre le quotidien de trois sages femmes de trois âges différents, la vingtaine qui est amoureuse d'un musulman et a peur du mariage forcé par ses parents, la quarantenaire dont le mari a fui l'Inde pour l'Allemagne, et la veuve qu'on menace d’expulsion. A travers ces trois profils que se serrent les coudes la réalisatrice Payal Kapadia parle des castes, du racisme entre religions, de la domination patriarcale des femmes et leur soumission institutionnalisée et de leur condition précaire.
Le film est à la fois doux de part l'absence de réelle violence et la beauté de certaines scènes d'un amour naissant. Le rire est aussi présent par le caractère affirmé de nos trois héroïnes qui ne se laissent pas démonter face à l'adversité.
All we imagine as light a ce charme d'une forme de combat et d'envie de vivre dans le regard de ses personnages, mélangé à une résignation devant la chape de plomb culturelle qui les oblige à se refuser certains destins sous peine d'être ostracisées par la société et le regard des autres.
Un féminisme délicat mais résistant et bien plus efficace que d'autres propositions car il puise sa force de personnages forts et très bien écrits, dont le silence et le regard sont parfois aussi impactants que les échanges verbaux.
La piste aux Lapins :

N°39- "Le roman de Jim" De Arnaud Larrieu, Jean-Marie Larrieu

Aymeric retrouve Florence, une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Quand Jim nait, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu'au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque... Ça pourrait être le début d’un mélo, c’est aussi le début d’une odyssée de la paternité.
Les frères Larrieu s'attaquent à un thème de plus en plus vu au cinéma, la parentalité vue du conjoint du parent par le sang et le lien qui peut se créer comme un père ou une mère naturelle avec l'enfant élevé par le beau-parent. Adapté du roman de de Pierric Bailly, les frères cinéastes donnent 'un de ses plus beaux rôles à Karim Leklou, d'une douceur et d'une fragilité confondante, qu'on a souvent envie de serrer dans ses bras pour le soutenir dans ce que le sort lui réserve. La paternité de choix qu'il développe est très touchante sans virer au mélo, confrontée à cette compagne qui se veut libre mais surtout très égoïste et avec une facilité à la non-chalance destructrice qui la rend franchement antipathique. Laetitia Dosch est parfaite dans ce rôle avec sa voix lancinante comme si rien n'était jamais grave et comme si la vie ne devait qu'au hasard.
Sara Giraudeau jouera sa rédemption avec ce même type de phrasé et de même déhanché cool mais une tendresse et une attention plus centrée sur le nous que sur le je.
Mais c'est surtout cette dernière demi-heure du film qui risque de vous tirer les larmes. Avec beaucoup de pudeur, les Larrieu montrent que la force de l'attachement et de l"amour d'un père pour son fils "adopté de fait" et c'est très beau.
La piste aux Lapins :

N°38 - "En attendant la nuit" de Céline Rouzet

Philémon est un adolescent pas comme les autres : pour survivre, il a besoin de sang humain. Dans la banlieue pavillonnaire un peu trop tranquille où il emménage avec sa famille, il fait tout pour se fondre dans le décor. Jusqu'au jour où il tombe amoureux de sa voisine Camila et attire l’attention sur eux…
Le cinéma français est en forme depuis plusieurs années et le cinéma de genre tout particulièrement, avec Le Règne animal, Teddy, Dans la brume, La nuit a dévoré le monde, La Nuée, Titane ou Grave.
En attendant la nuit n’atteint pas leur niveau mais reste une très belle réussite. Elodie Bouchez qu’on ne voyait plus est de retour depuis quelques années pour notre plus grand plaisir et le jeune Mathias Legoût Hammond est très convaincant pour son premier rôle au cinéma. Il incarne comme sa partenaire à l’écran, Céleste Brunnquell, toute la fragilité du jeune adulte sortant de l’adolescence et découvrant le désir d’émancipation. Comme tout film à la thématique vampirique, la réalisatrice Céline Rouzet s’intéresse à la métaphore sexuelle du personnage fantastique. Mais elle le fait avec une originalité certaine en mixant ce mythe et celui du monstre, de l’être différent que l’on retrouve davantage chez d’autres figures que le vampire, par exemple chez Éléphant Man ou les X Men. En effet ici, elle présente ceci comme une maladie et intégre autour une famille aimante qui n’est pas vampire et tente de tout cacher et le faire vivre ou plutôt survivre. On pensera à toute forme d’enfant « différent » à savoir en situation de handicap dans une famille et aux combats des parents pour vivre un tant soit peu heureux. La famille est à la fois un refuge et une prison délimitée par la différence de l’enfant et tout ce qu’elle engendre comme sacrifices. Et puis Mathias Legoût Hammond est solaire malgré son personnage qui fuit la lumière.
En adaptant les spécificités du vampire et en le rendant profondément humain qui lutte pour ne pas sombrer du coté animal, la réalisatrice apporte une vraie nouveauté. Un regard à la fois sobre et efficace avec une montée en puissance élégante du suspens. La fragilité et le danger du personnage arrivent à envoûter et illustrer de manière moderne le mythe. Très bien vu.
La piste aux lapins :

N°37 - "Alien Romulus" de Fede Alvarez

Ridley Scott est revenu à son chef d’œuvre avec Prometheus puis Alien Covenant pour des résultats qui tout en restant de bon niveau, on beaucoup déçu. Alors qu'il a empêché Neill Blomkamp (District 9) de faire son Alien 5 avec Sigourney Weaver, sa saga de prequels à Alien s'est elle-même tirée une balle dans le pied avec des résultats très décevants au box-office. Il était censé en faire 4 à 5...et là c'est dead.
On sait qu'une série Alien est en développement avec Noah Hawley, le showrunner de l'excellente série Fargo. La série se passera sur terre, pour la première fois de l'univers Alien. Elle s'appellera Alien : Earth et sortira en 2025.
Mais aujourd'hui, depuis le rachat de la Fox par Disney, papy Ridley est co-produteur pour ce septième film située entre son chef d’œuvre et Aliens de James Cameron.
La première bonne idée que Ridley Scott a avoué lui même, c'est qu'il a laissé Fede Alvarez aux commandes et ne s'en est mêlé que quand ce dernier lui demandait conseil. La seconde bonne idée a été de prendre un réalisateur venu du cinéma d'horreur dont le remake d’Evil Dead et Don't Breathe - La Maison des ténèbres. Ce qui manquait cruellement aux prequels de Scott c'était le suspens que justement ce plus jeune réalisateur arrive clairement à remettre au centre.
Alors certes, en resituant l'action dans un vaisseau fermé, Fede Alvarez rend clairement hommage à Alien, le huitième passager. Il y fait même référence en permanence jusque dans un personnage clé. Mai il rend aussi hommage au film suivant de Cameron, à Prometheus et même à Alien, Résurrection de JP Jeunet.
Ces références multiples ont gêné certaines critiques, trouvant que le film ne trouvait pas sa propre identité. Je suis en partie d'accord dans la mesure où le cahier des charges d'un film Alien réussi est respecté de bout en bout de manière assez scolaire. En revanche Fede Alvarez a un vrai talent pour créer la tension qui manquait tant aux prequels. Et au final, n'était ce pas nécessaire pour faire revivre la franchise d'e passer par un tel retour aux sources ? Après tout Alien a des allures de slasher dans l'espace et ne pas l'assumer est hypocrite ou vouloir s'en détacher trop çà donnait des films un peu trop gentils. Entendons nous, le film est assez prévisible même si il réserve quelques idées de mise en scène et des surprises.
Le fait de mettre de jeunes adultes d'une colonie au cœur de l'action apporte de la fraicheur, Cailee Spaeny, la révélation de Priscilla et Civil War et étoile montante d’Hollywood, porte le film.
Après tout pourquoi bouder son plaisir ? Le film est très efficace et s'avère meilleur que les deux prequels et meilleur que Alien 3 et 4 en terme de tension. C'est déjà énorme ! Et ceci signifie que si le film fonctionne, ce qui semble bien parti et avec un budget bien moindre, la franchise va pouvoir se poursuivre. La réinvention sera pour plus tard espérons le.
La piste aux Lapins :

N°36 - "Le Cercle des Neiges" de Juan Antonio Bayona

En 1972, un avion uruguayen s'écrase en plein cœur des Andes. Les survivants ne peuvent compter que les uns sur les autres pour réchapper au crash.
Difficile de porter à l'écran cette histoire sans tomber dans le sensationnalisme ou le glauque. Il y a déjà eu des tentatives bien moins réussies.
Mais Juan Antonio Bayona est un excellent réalisateur, derrière les déjà très réussis "L'Orphelinat" ou "Quelques minus après minuit". Il met son talent de mise en scène au service de cette histoire catastrophe où la montagne est juste magnifique mais aussi le linceul de jeunes gens qui avaient la vie devant eux. A ce titre, le choix du casting hispanophone de comédiens tous inconnus et jeunes, est très réussi. Ils apportent individuellement l’humanité nécessaire à chacune de ces destinées. Délaissant le grand spectacle, Juan Antonio Bayona opte pour un film de survie humble et axé sur le recueillement pour résister au froid.
Puis il aborde le cannibalisme avec une très grande intelligence. La pudeur, les questionnements, l'absence d'images chocs pour respecter les victimes sont une grande force du film.
Le film aurait pu durer un peu moins longtemps, il est vrai que 2h24 c'est beaucoup pour ce type d'histoire mais là aussi le réalisateur trouve des effets de rebond pour ne pas lasser le spectateur.
La tragédie s'avère alors aussi hallucinante d'atrocité, de courage qu'elle arrive à nous émouvoir.
Une réussite.
La piste aux Lapins :

N°35 - "L'innocence" de Hirokazu Kore-eda

Le comportement du jeune Minato est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école de son fils. Tout semble désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, du professeur et de l’enfant, la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ...
Hirokazu Kore-eda nous parle exclusivement de famille choisie dans sa filmographie riche de plusieurs bijoux dont "Tel père tel fils", "Notre petite soeur", "La vérité", sa palme d'Or, "Une affaire de famille" ou son très beau "Les bonnes étoiles".
Ici avec L’innocence, il choisit à l'instar de Ridley Scott récemment dans "Le dernier duel", de raconter sous trois angles différents la même histoire.
Soyons honnêtes, au début on ne comprend vraiment pas où il veut nous mener. Le film est intriguant et comme le réalisateur japonais a l'habitude de nous surprendre par ses scenarii, on attend la bascule. On comprend que le festival de Cannes l'ait récompensé du prix du scénario.
En effet, on ne voit pas venir le dernier acte, très beau et émouvant, qui remet en contexte les deux premiers tiers et apporte toutes les explications aux scènes vues du point de vue de la mère de l'enfant puis de son professeur.
Il est compliqué d'en dire beaucoup sans vous gâcher le plaisir et la surprise de la thématique, très finement amenée et traitée, à hauteur de regard d'enfant.
Le secret qui s'y cache vaut le détour et l'attente. Kore-eda est extrêmement moderne en ne niant pas les limites de la société japonaise et son approche archaïque de certaines évidences sociétales européennes. En manipulant le spectateur, il use des artifices du cinéma initiés par le "Rashōmon" de Akira Kurosawa, LE maitre du cinéma par excellence. L'empathie et la sensibilité qui s'en dégagent sont d'autant plus réussis.
La piste aux Lapins :

N°34 - Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau
De Gints Zilbalodis

Un chat se réveille dans un univers envahi par l’eau où toute vie humaine semble avoir disparu. Il trouve refuge sur un bateau avec un groupe d’autres animaux. Mais s’entendre avec eux s’avère un défi encore plus grand que de surmonter sa peur de l'eau ! Tous devront désormais apprendre à surmonter leurs différences et à s’adapter au nouveau monde qui s’impose à eux.
Ce film d'animation lettonien a bluffé Cannes et on comprends pour quoi.
Avec un choix artistique drastique de ne pas faire d'anthropomorphisme et de laisser les animaux s'exprimer avec leurs sons et leurs façon de communiquer sans jamais chercher à traduire quoique ce soit, le film prend une tournure extrêmement surprenante. On y voit plusieurs animaux dont un adorable chat se serrer les coudes au sein d'un apocalypse climatique et une fonte des glaciers qui a envahi la terre entière et noyé l'espèce humaine. Enfin, ce n'est jamais expliqué mais on s'en doute très vite.
La nature reprend ses droits et on va suivre les péripéties non humaines de ces animaux d'animation terriblement attachants malgré leur design très naturaliste. L'animation est superbe de bout en bout et même si les dessins peuvent faire penser à du jeu vidéo parfois, ce n'est absolument pas gênant tant la fluidité du récit est forte.
Les mouvements de caméra, la lumière, sont envoutants et entretiennent une forme de tension et d'intérêt pour leurs aventures tout en nous sortant du récit classique où tout est expliqué par la voix humaine. C'est à la fois reposant et émouvant avec une avant dernière scène très belle. C'est virtuose et puissant.
Une excellente surprise.
La piste aux Lapins :

N°33 - Green Border
De Agnieszka Holland
De Agnieszka Holland

Ayant fui la guerre, une famille syrienne entreprend un éprouvant périple pour rejoindre la Suède. A la frontière entre le Belarus et la Pologne, synonyme d'entrée dans l'Europe, ils se retrouvent embourbés avec des dizaines d'autres familles, dans une zone marécageuse, à la merci de militaires aux méthodes violentes. Ils réalisent peu à peu qu'ils sont les otages malgré eux d'une situation qui les dépasse, où chacun - garde-frontières, activistes humanitaires, population locale - tente de jouer sa partition...
Décidément c'est l'année des films sur les migrants après Moi Capitaine ou L'histoire de Souleymane.
Le film de la polonaise Agnieszka Holland est tout aussi poignant et nous ouvre les yeux sur le trafic d'êtres humains diligenté par la Biélorussie et l'horrible jeu d'envoi de réfugiés de part et d'autre de la frontière avec la Pologne. Et dans ces bois en plein hiver, nombre de ces réfugiés meurent car ils sont traités moins que des bêtes, avec un manque d'humanité qui rappelle les heures les sombres de la shoa. Ces policiers de part et d'autre comptent des unités et on les incite à ne plus réfléchir et à juste haïr cet envahisseur pour mieux se comporter tels des nazis dans un camp de concentration. Le film est très dur à regarder et même si l'Europe ne peut accueillir toute la misère du monde, elle peut à minima ne pas laisser crever de faim, de froid ou de coups des êtres humains à ses portes. Le film est une claque car il montre ce que les médias mainstream ne montrent pas, préférant flatter l'opinion publique et les idées d'extrême droite dans le bon sens plutôt que de poser un regard de compassion. Ceci n'empêche pas de penser qu'il faut trouver des solutions et ne pas faire des appels d'airs bien évidemment. La déshumanisation des réfugiés qui y est montrée dans le regard des européens n'a rien d'antinomique avec des questionnement de fond sur la gestion de cette immigration, l'intégration de ceux acceptés et l'aide dans les pays d'accueil pour tenter de contrôler les flux.
Green boder est bouleversant de par l'horreur qu'il nous balance en pleine gueule dans un noir et blanc sobre mais sur des histoires qui se passent bien en couleur et en ce moment.
Un film nécessaire.
La piste aux Lapins :

N°32 - Santosh
De Sandhya Suri

Une région rurale du nord de l’Inde. Après la mort de son mari, Santosh, une jeune femme, hérite de son poste et devient policière comme la loi le permet. Lorsqu’elle est appelée sur le lieu du meurtre d’une jeune fille de caste inférieure, Santosh se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés de la charismatique inspectrice Sharma, qui la prend sous son aile.
Santosh est une excellente surprise ! Le film nous immerge dans l'Inde d'aujourd'hui à travers une enquête qui permet de montrer la corruption des policiers, des procureurs et le système de castes féodal qui existe toujours. Santosh est femme intelligente et libérée qui a réussi un mariage d'amour mais voit sa vie rompue par le décès de son mari. On lui propose de reprendre son travail de policier, ce qu'elle accepte par nécessité. L'excellente Shahana Goswami donne à ce personnage une force saine via l'intégrité qu'elle porte, au travers de son regard parfois incrédule parfois conscient. On la voit accepter l'(argent et les pots de vins d'abord parcequ'elle est pauvre puis se construire une conscience au fil de l'enquête et de son rapport à cette inspectrice très masculine et forte qui va lui ouvrir les yeux de façon inattendue et contre son grès.
Santosh est un film puissant de part les thématiques qu'il brasse avec agilité, par des non-dits et juste en montrant l'horreur crasse de cette discrimination de classe, où certains individus comptent moins que les autres voire ne comptent pas du tout. C'est à la fois effrayant et lucide sur une société qu'on ne montre pas si souvent que cela. C'est aussi la démonstration que l'Inde nous manque. Le cinéma Bollywood ne passe pas les frontières car il est trop marqué et n'embrasse pas une vision très critique et adulte du monde moderne. Santosh en est tout le contraire et on rêverait qu'un cinéma de genre social indien se développe et nous envoie davantage de création de cette intensité et de cette nécessité.
Une très grande réussite.
La piste aux Lapins :

N°31 - « The Bikeriders » De Jeff Nichols

Jeff Nichols a eu la hype grave il y a quelques années dans le cinéma indépendant mais depuis son Loving un peu lourd en 2016, plus aucune nouvelle. J'ai adoré "Mud" mais j'ai peur que ce film ne soit pas celui qui me réconciliera avec le reste de la filmographie du cinéaste. Bien au contraire. J'ai trouvé ennuyeux et surestimé tant son "Take shelter" que son "Midnight special" en 2015. Je ne trouve pas sa mise en scène particulièrement originale, elle est même beaucoup trop référencée et ses histoires font du surplace ou ne m'intéressent tout simplement pas, à part Mud donc. Mais il a du talent.
Cette fois-ci il change de style pour se mettre au service d'une histoire, pas des plus folles mais relativement intéressante. Celle de motards du Midwest se structurant en club dans les années 60 ainsi que l'évolution du groupe sur une dizaine d'années avec l'arrivée de motards de seconde génération plus violents que les précurseurs.
La vraie force du film repose sur ses trois interprètes principaux, qui crèvent l'écran.
Jodie Comer est connue via l'excellente série "Killing Eve" et a impressionné tout le monde l'a dernier dans "Le dernier Duel" de Ridley Scott. Ici dans un rôle de composition à 1000 lieues de ses autres rôles, elle interprète une femme amoureuse d'une icône, d'un mâle alpha avec lequel elle tente de vivre. Ce dernier est le rebel libre par excellente, sorte d'incarnation de Marlon Brando dans LE film de bikers culte, L'équipée sauvage, qui est ouvertement cité et référencé dans le film. Et c'est Austin Butler qui joue le personnage. Il était incroyable dans Elvis de Baz Luhrmann et il vient d'interpréter brillamment le génial antagoniste Feyd Rautha dans le second volet de Dune de Denis Villeneuve. Et là où il aurait pu se vautrer et être ridicule tant les clichés sont potentiellement forts, il explose l'écran. On voit clairement que l'animal a du charisme et son rôle de blond ténébreux qui veut rester libre de toute contrainte et indépendant est particulièrement touchant. Jeff Nichols a en effet l'intelligence de montrer ses fragilités en miroir des attentes des autres, et cette fuite du personnage face à des responsabilité et un rôle qu'il ne veut pas endosser.
On ne présente plus Tom Hardy, excellente acteur que j'aime beaucoup mais qui après 10 ans de carrière au top fait de la merde depuis qu'il joue dans Venom. Heureusement pour lui, l'acteur revient au top dans le rôle du chef de bande, en admiration devant ce second qui lui rappelle l'icône Brando et qui voit en lui son héritier idéalisé. Par sa diction et son jeu il rappelle d'ailleurs Marlon Brando à plusieurs reprises dans une forme de mimétisme inconscient du personnage, touchant également.
Le film n'a rien d’exceptionnel et se contente de capter une période dans un milieu souvent caricaturé ou à l’image de carte postale kitsch ou au contraire ultra réac, mais c'est justement cette humilité du récit qui marque. Le film explique l'évolution vers un extrémisme et un détournement d'un idéal au départ non violent de passionnés d'un mode de vie et de tout l'imaginaire qu'il drainait avec lui. Une réussite.
La piste aux Lapins :

N°30 - Nous, les Leroy
De Florent Bernard

Sandrine Leroy annonce à son mari Christophe qu’elle veut divorcer. Leurs enfants ont bientôt l’âge de quitter la maison. Dans une opération de la dernière chance aussi audacieuse qu’invraisemblable, Christophe organise un week-end pour sauver son mariage : un voyage passant par les endroits clés de l’histoire de leur famille. Un voyage qui ne va pas être de tout repos…
Nous les Leroy est une excellente surprise. Porté par la toujours brillante et touchante Charlotte Gainsbourg et un José Garcia fragile et tendre, le film surprend. Il surprend parcequ'il est drôle à plusieurs reprises sur des situations qui illustrent plus la déliquescence du couple. Mais il aborde aussi comment une famille peut se sortir de la fin de l'amour de l'un des parents et c'est très beau. C'est même très émouvant à plusieurs reprises et vous passerez de bonnes tranches de rigolade dans des scènes comiques vraiment réussies à des scènes qui vous déchireront le cœur juste derrière. On le doit à un scénario très intelligent et des interprètes tout en finesse.
Un film tendre, drôle et triste à la fois. Le plus déchirant est cet amour qui s'arrête d'un seul côté mais qui est traité avec beaucoup de pudeur et de recul. Vraiment réussi.
La piste aux Lapins :

N°29 - "Les Barbares" de Julie Delpy

A Paimpont, l’harmonie règne : parmi les habitants, il y a Joëlle - l’institutrice donneuse de leçons, Anne – la propriétaire de la supérette portée sur l’apéro, Hervé – le plombier alsacien plus breton que les Bretons, ou encore Johnny – le garde-champêtre fan de… Johnny. Dans un grand élan de solidarité, ils acceptent avec enthousiasme de voter l’accueil de réfugiés ukrainiens. Sauf que les réfugiés qui débarquent ne sont pas ukrainiens… mais syriens ! Et certains, dans ce charmant petit village breton, ne voient pas l’arrivée de leurs nouveaux voisins d’un très bon œil. Alors, au bout du compte, c’est qui les barbares ?
Après ses succès critiques et publics 2 Days in Paris puis 2 Days in New York, l'actrice et réalisatrice Julie Delpy, a eu moins de succès avec ses deux films suivants. On lui en souhaite en revanche beaucoup avec cette comédie très réussie sur un thème d'actualité casse gueule, qu'on devrait montrer en prime sur les grandes chaines.
En premier lieu sont film est drôle et la salle se marre, ce qui est loin d'être la norme dans le style complexe des comédies où la paraisse des producteurs et scénaristes et la laideur des réalisations accouche chaque année de son lot de comédies bien lourdes et franchouillardes.
Ici, Delpy se moque justement du français moyen vivant dans des villages désertifiés, n'ayant jamais vu d'étranger de sa vie et voyant débarquer du jour au lendemain une famille de syriens réfugiés. Mais elle le fait d'une part avec tendresse et d'autre part sans omettre de se foutre de la gueule de l'angélisme de personnes très engagées qui sous-estiment la difficulté d'intégration. Son scénario enchaine les remarques et situation racistes d'un racisme banal et oh combien répandu. On n'a pas 40% de votre extrême droite pour rien. Mais c'est fin. Ou plutôt, les personnages incarnent des caricatures mais ce n'est jamais sur-joué et çà sonne juste. Pour cela, elle se donne le rôle de l'instit donneuse de leçons mais le cœur sur la main, celui du facho triste sire à un Laurent Lafitte excellent en mec qui n'est jamais sorti de chez lui, à Sandrine Kiberlain celui de sa meilleure amie un peu alcoolo, et le reste du casting est du même niveau, excellent.
Le film n'en n'oublie pas l'émotion mais elle vient intelligemment en montrant cette famille d'intellectuels rabaissée du jour au lendemain à la mansuétude et la condescendance d'un village peuplé d'individus qui n'ont ni bossé autant qu'eux pour y arriver ni vécu l'enfer qu'ils on traversé.
L’indécence de ces regards qui ont besoin qu'on leur prouve que les migrants ont vraiment souffert pour les accepter, est montrée avec tellement d'intelligence sur la bêtise humaine et le fait que ces pays en guerre sont tellement loin qu'on s'en fout au final. On détourne le regard, même quand on est citadin d'une grande ville, c'est humain mais çà se résume à cela, on regarde ses petits problèmes point. Julie Delpy a ainsi le tact d'étriller non pas le franchouillard de la France perdante de la mondialisation, qui vote RN et s'enferme sur elle-même. Non, elle apporte des explications assez universelles et même des explications à travers ces petites phrases, cette peur, cette ignorance qu'il est tellement plus facile d'entretenir et sur lesquels nos populistes surfent allègrement.
Le fait de ne diaboliser aucun personnage et de ne pas faire des réfugiés des gens faibles et perdus apporte la subtilité nécessaire à l'exercice. Un film rusé et efficace, mordant.
La piste aux Lapins :

N°28 - "Vingt Dieux" de Louise Courvoisier

Totone, 18 ans, passe le plus clair de son temps à boire des bières et écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la réalité le rattrape : il doit s’occuper de sa petite sœur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur comté de la région, celui avec lequel il remporterait la médaille d’or du concours agricole et 30 000 euros.
Ce coup de cœur du festival de Cannes a pour lui une forme de joie de vivre et de liberté qui tranche nette avec l'image des films sur Nord désœuvré à la Bruno Dumont, pour lequel on a envie de se tirer une balle à la fin de la projection. Non, ici, on est dans un Jura tout aussi campagnard et perdant de la mondialisation que les contrées industrielles ravagées du Nord, mais tout sonne juste. Le jeune Clément Faveau illumine de sa fraicheur et sa résilience malgré tous les éléments qui se liguent contre lui. Il est d’emmerde et de toute façon il n'a pas le choix donc il y va.
Vingt dieux est souvent drôle de par le naturel de ces acteurs non professionnels à l'accent à couper au couteau et aux expressions aussi directes qu'efficaces. C'est une sorte de feel good movie plus proche des Ken Loach où l'espoir est toujours là même quand on est issu d'un milieu pauvre, qu'on se retrouve sans argent, sans travail et dans une région ravagée par le chômage.
Le film allie cette drôlerie de ce personnage culotté à une sensibilité à fleur de peau qui s'exprime avec la même pudeur que le personnage de Totone, de sa copine et ses amis. Le film est émouvant de par son histoire d'amour maladroite ou son histoire d'amitié adolescente et virile.
Louise Courvoisier aborde ce quotidien rustique, dur et ingrat mais elle ne le traite pas avec misérabilisme mais avec un regard tendre pour des paysages et des habitants qui tiennent à leur terre, à leurs vaches, à leurs bals du samedi soir, aux ballades en moto et à leur région. La vigueur du film rend au côté rugueux de ce quotidien un vibrant hommage et un regard moderne.
L'authenticité de toutes ces petites touches d'humour, de tendresse et de constat de la rudesse d'une vie paysanne font de ce "Vingt dieux" l'une des dernières pépites de cette année 2024.
La piste aux lapins :

N°27 - "Sans jamais nous connaître" d' Andrew Haigh

A Londres, Adam vit dans une tour où la plupart des appartements sont inoccupés. Une nuit, la monotonie de son quotidien est interrompue par sa rencontre avec un mystérieux voisin, Harry. Alors que les deux hommes se rapprochent, Adam est assailli par des souvenirs de son passé et retourne dans la ville de banlieue où il a grandi.
Encensé par la presse dans divers festivals, "Sans jamais nous connaître" arrive enfin sur les écrans et surprend par son thon et sa thématique. Film en apparence simple sur une relation homosexuelles teintée d’ésotérisme et de fantômes, le film est une proposition de cinéma singulière.
La mise en scène retenue d'Andrew Haigh filme en gros plan les visages sensibles d'un casting parfait. Andrew Scott déborde d'humanité sans jamais agacer là où son rôle aurait pu tomber très facilement dans un pathos complaisant. Mais il joue tout en retenue ce quarantenaire qui au final n'a pas vécu ni fait le deuil de ses parents. On en saura peu de sa vie sans eux mais on se doute à son regard d'enfant perdu que toute la personnalité de son personnage a été forgée par cet effondrement. L'excellent et trop rare Jamie Bell a avec lui les scènes les plus émouvantes du film où à l'âge de son père il échange avec lui ce qui a été raté, les non-dits d'un enfant qui découvrait son penchant sexuel et ne voulait pas décevoir ses parents.
Et l'ex reine des deux premières saisons de The Crown, Claire Foy, complète cette introspection de son regard si particulier, à la fois dur et maternel. Le portrait de cette famille fantasmée dont on ne sait si elle est dans la tête du personnage ou si il s'agit d'un phénomène réellement paranormal, est l'excellente idée du film pour traiter de tout ce que l'on aurait voulu dire aux proches partis trop tôt. Personnellement j'ai la chance de n'avoir perdu personne de proche. Mais j'imagine que pour quiconque à qui ceci est arrivé, le film ne peut que faire écho par la simplicité et le naturel des situations. Évidemment, beaucoup rêveraient d'avoir cette discussion qu'ils n'ont jamais eue le temps d'avoir avec un parent parti trop tôt ou parti avant d'avoir su quelquechose, avant d'avoir vu grandir enfants ou petits-enfants. En ceci "Sans jamais nous connaître" est un film universel sur le deuil. Mais c'est aussi un film sur l'amour maternel, paternel, et l'amour en couple tout comme un film sur la solitude, le manque d'un autre être pour partager sa vie et se projeter. Paul Mescal, dont j’entends toujours le plus grand bien mais qui pour l'instant ne m'a jamais touché particulièrement, trouve à mes yeux pour la première fois un rôle complexe et intéressant. Le personnage qu'il incarne donne au film une dimension qui vous fera réfléchir au long métrage bien après le visionnage.
Si le film n'a pas provoqué l'émotion que bien des critiques louent sans retenue, l'atmosphère générale et l'exercice de style sont indéniablement une très belle réussite. Et je préfère un film qui ne tombe pas dans la sensiblerie et effleure ces moments, il n'en n'est que plus digne et délicat.
La piste aux Lapins :

N°26 - "Le deuxième acte"

Quentin Dupieux poursuit son rythme effréné de films toujours basés sur un concept surréaliste et pas chers à produire, donc très rentables car désormais ses films ont du succès. Il réalise des films courts d'1h10 à 1h20 pour ne pas "prendre en otage les spectateurs" et ceci lui permet d'éviter d'écrire des scénario trop complexes et d'aller plus vite.
Avec 13 films depuis 2007 dont 6 films en 4 ans, l’iconoclaste réalisateur a réussi ce qu'il ratait avant. Il avait un style et des aficionados de Rubber, son pneu tueur, mais seul Réalité en 2014 avec Alain Chabat et Le Daim en 2019 tenaient la durée et ne retombaient pas à un moment. J'appelais cela une forme de flemme, sympathique mais qui donnait des films imparfaits où on voyait clairement qu'il avait lancé le film sans finir le scénario comme pour Mandibules, Au Poste ! ou Fumer fait tousser.
Depuis trois films, Dupieux a monté en grade d'un point de vue box-office mais aussi d'un point de vue qualitatif, ses scenarii étant plus aboutis. Incroyable mais vrai était une vraie réussite tout comme Yannick qui a cartonné et son jouissif son Daaaaaali !
Tourné en 15 jours, "Le deuxième acte", intègre de nouveaux venus dans son univers complètement perché avec Vincent Lindon, Léa Seydoux et Louis Garrel mais ramène la découverte de 2023 qui a déjà joué chez lui, Raphaël Quenard.
Le film est déjà extrêmement drôle à bien des moments et les quatre acteurs s'éclatent à jouer dans le film. Au sein de la filmo de Dupieux, c'est le film qui se rapproche le plus d'un certain Bertrand Blier, époque faste. Et çà, c'est du gros compliment ! Le réalisateur choisit de se moquer du monde du cinéma avec un film en forme de poupées gigognes, comme il l'a déjà fait sur certains opus passés, mais là avec un plaisir jouissif. Tout y passe de #MeToo à la sexualité des stars, leur ego déguisé en humilité de façade, leurs grands combats qui s'effacent pour un rôle, leur condescendance avec les figurants, leur bonne morale politique et même les dangers déshumanisants de l'intelligence artificielle ! Mais là où c'est très fort, c'est que l'autocritique est plus nuancée que cela car elle joue de ce film dans le film et perd les repères volontairement pour que chacun s'y retrouve entre autodérision du métier sur lui-même, de l'importance de ce monde qui ne créé rien de concret, que de l'imaginaire. Belle réflexion aussi sur l'importance des artistes même dans la tragédie. Et sous couvert de satire, le film rend au final un hommage vachard mais sincère au pouvoir de cet imaginaire tout en remettant à leur place ceux qui le fabriquent et leur ego injustifié. On pense à un autre film de Blier moins réussi, Les acteurs, et on se dit qu'au final c'est Dupieux qui réussit l'exercice, quelques années après La Bal des actrices de Maiwen.
Le génie du concept est donc ce jeu de miroirs sur le reflet que veut véhiculer l'artiste, la manipulation aussi et en le faisant sous mode de farce qui ne se prend jamais au sérieux et donc n'est jamais barbante. Il permet à Dupieux sans jamais les montrer de mettre en valeur les autres métiers, caméraman, perchiste, monteur etc..taquin sans être si méchant que celà, plus affectueux que mélancolique, "Le deuxième acte" est l'un des meilleurs opus de son auteur, et comme il apprend de film en film, Quentin Dupieux n'a pas finis de nous surprendre.
La piste aux Lapins :

N°25- Le Comte de Monte-Cristo
De Matthieu Delaporte, Alexandre De La Patellière

Après avoir scénarisé le diptyque sur les Trois mousquetaires sorti l'an dernier, Matthieu Delaporte, Alexandre De La Patellière ont rempilé pour le producteur Dimitri Rassam mais cette fois-ci également à la réalisation. On est toujours dans un Alexandre Dumas universe et cette volonté du producteur de porter de nouveau à l’écran de grands classiques de l'auteur en y mettant les moyens, le casting et la qualité d'écriture.
Si les Mousquetaires étaient assez réussis et faisaient vraiment bien le job, entre action et bons mots, ce Monte-Cristo atteint un niveau supérieur.
Et pourtant le roman de Dumas a été maintes fois adapté, notamment en télévision. Pierre Niney était loin d'être un choix évident. Pourtant il porte le film sur ses épaules, de transformation en transformation et joue la gravité du personnage vengeur avec un talent qui mettra tout le monde d'accord.
Le reste du casting est à la hauteur, de Bastien Bouillon en pleutre (La Nuit du 12) à Anaïs Demoustier en passant par Laurent Laffite en personnage ignoble ou Julien de Saint-Jean, la découverte du film, qu'on avait vu pour les premières fois en 2023 dans Arrêtes avec tes mensonges et Le Paradis.
La vengeance est un plat qui se mange froid et ce récit intemporel a toujours autant d'impact. Mais il fallait un talent de mise en scène assuré pour rendre le récit digeste et ne pas donner l'impression de trop sabrer. Évidemment on trouvera toujours des ronchons pour penser que tel ou tel élément manque mais c'est ce qu'on appelle une adaptation. Et quand le rythme les dialogues et l'esprit du livre sont bien restitués, on peut appeler ceci une réussite.
Les trois heures du film me faisaient vraiment peur mais force est de constater que la tension demeure tout du long. C'est surement également du au travail de modernisation effectué qui si il se voyait déjà sur les Mousquetaires, prend ici toute sa dimension puisqu'il n'y a pas de passages humoristiques qui souvent peuvent virer balourds ou artificiels.
Une super production d'envergure qui mérite son succès. Du cinéma hexagonal populaire qui sait rester exigeant. Bravo.
La piste aux Lapins :

N°24- "Le jeu de la reine" de Karim Aïnouz

Catherine Parr est la sixième femme du roi Henri VIII, dont les précédentes épouses ont été soit répudiées, soit décapitées (une seule étant décédée suite à une maladie). Avec l’aide de ses dames de compagnie, elle tente de déjouer les pièges que lui tendent l’évêque, la cour et le roi…
Jude Law est Henri VIII et Alicia Vikander en Catherine Parr. Le film était en sélection officielle à Cannes 2023.
Soyons clairs Jude Law trouve l'un de ses grands rôles, méconnaissable en tyran paranoïaque
sur la fin de sa vie. Son regard et ses gestes entre possession du corps de son épouse et menace sourde de la tuer à tout moment, font froid dans le dos. Le roi est sur-puissant et son passif monstrueux du "je me lasse, je jette" tend l’ensemble du film. Karim Aïnouz construit un film sous cette emprise et cette menace permanente avec cette femme moderne pour son époque qui tente de conserver une identité et de survivre. Alicia Vikander est excellente tout comme le reste du casting qui joue ces intrigants tentant de récupérer le pouvoir à la mort prochaine du Roi. Si historiquement le film n'est pas d'une grande rigueur, il permet cependant de bien percevoir les enjeux religieux de l'époque et de présenter des personnages historiques dont les deux filles d'Henry VIII qui se succéderont, 'Bloody Marie' puis Elisabeth1ère durant 45 ans de règne.
La mise en scène qui choisit le clair obscur, beaucoup les intérieurs et de filmer les drapés, les tapisseries dans une reconstitution soignée, donnent au film un réalisme et un ancrage qui servent l'aspect huit clos avec le monstre.
D'ailleurs, c'est après le retour du Roi, que l'ensemble des personnages va se trouver en semi-liberté et ne plus pouvoir se balader bien loin des murs du château.
Le réalisateur brésilien s'inspire de la peinture de Rembrandt et de ses contemporains pour accentuer ce sentiment de "familiarité" avec une époque, que l'on a tous vu dans des musées et ce même si Henry VIII a précédé d'une cinquantaine d'année la naissance du maitre.
Le film parle de l'héritage de ce patriarcat en faisant de cette femme une héroïne anachronique qui tente de survivre en restant elle-même.
La direction artistique, le sujet du film, le jeu exceptionnel de Jude Law et Alicia Vikander et la mise en scène stressante et venimeuse font du film "Le jeu de la reine" une excellente surprise.
La piste aux Lapins :

N°23 - "LaRoy" de Shane Atkinson

Quand Ray découvre que sa femme le trompe, il décide de mettre fin à ses jours. Il se gare sur le parking d’un motel. Mais au moment de passer à l’acte, un inconnu fait irruption dans sa voiture, pensant avoir affaire au tueur qu’il a engagé.
J'ai loupé le film à sa sortie en avril malgré une bonne presse. Il faut dire que le film est resté peu à l'affiche et qu'aucun acteur n'est vraiment connu et ne pouvait attirer le public. Et c'était très con de ma part.
Le film est très très bon. On avait peru les frères Coen depuis de nombreuses années, ces dernierrs ayant fait chemin séparé et leurs derniers films n'étant pas les meilleurs.
Et bien Shane Atkinson leur rend un hommage sidérant. C'est noir et sombre comme Sang pour Sang, Fargo ou No Country for old men avec cette même Amérique paumée qui vote Trump et ne croit plus en rien. Les personnagers sont tous aussi pathétiques et veules les un que les autres mais un imbroglio va semer la violence dans leur vie et secouer leurs valeurs.
L'ensemble du casting joue hyper bien, les rebondissements sont nombreux et on rentre dans le film dès la première scène grace à une scène de nuit lugubre et d'un humour noir comme vous n'en n'avez pas vu depuis un bail et depuis le dernier bon film des Coen.
Je vous le recommande chaudement, vous passerez un super moment, un thriller sec qui regarde l'humanité dans ce qu'elle a de plus petit en face mais arrive à redonner l'espoir grace à un duo de bras cassés attendrissants.
Un réussite indéniable.
La piste aux Lapins :

N°22 - Conclave d'Edward Berger

Quand le pape décède de façon inattendue et mystérieuse, le cardinal Lawrence se retrouve en charge d’organiser la sélection de son successeur. Alors que les machinations politiques au sein du Vatican s'intensifient, il se rend compte que le défunt leur avait caché un secret qu'il doit découvrir avant qu'un nouveau Pape ne soit choisi. Ce qui va se passer derrière ces murs changera la face du monde.
Ralph Fiennes a toujours la méga classe et une fois de plus il en impose dans ce rôle de cardinal pris au doute de sa Foix et qui se voit contraint d'organiser un Conclave pour désigner le successeur du Pape qu'il servait et respectait.
Edward Berger, qui a été repéré aux Oscars avec son film Netflix A l'Ouest rien de nouveau, aux critiques élogieuses, signe un véritable thriller une fois que les portes du Vatican se referment, usant des scandales sexuels et de corruption pour alimenter le suspens de ce petit jeu de dupes très politique.
Stanley Tucci, John Lithgow, Sergio Castellitto et Isabella Rossellini complètent le casting du film avec brio et aident à incarner des cardinaux qui sont loin des caricatures et veulent certes le pouvoir mais chacun pour leur raison. On y voit ainsi les luttes de pouvoir entre modernistes et partisans d'une religion stricte et conservatrice.
Ce huis clos est donc à la fois intéressant et captivant de par les sujets qu'il soulève et qui ont traversé l'église catholiques depuis 20 ans.
Le style due la mise en scène en fait un des musts de cette année 2024, à la fois original dans son propos et divertissant. Ralph Fiennes peut très sérieusement envisager un second Oscar du meilleur acteur, 27 ans après ce lui pour Le patient anglais.
La piste aux Lapins :

N°21 - Vice versa 2

Voici donc la suite des aventures de Riley, 9 ans après le 1er film, Vice Versa, qui fut un carton au box office et l’un des chefs d’œuvre milestone du studio Pixar.
Ce second volet arrive donc clairement pour sauver le soldat Pixar en maucaise passe de puis 5-6 ans. Soul était très bon mais sacrifié sur l’hôtel du streaming en plein Covid.
Luca et Alerte rouge sortirent aussi en streaming mais avec dez critiques moins enthousiastes, Buzz l’éclair fut un bide et son concept incompris, En avant fut aussi une sortie mitigée et Élémentaire s’en est tiré grâce au streaming. La firme à la lampe a donc beaucoup perdu de sa superbe et la nomination du nouveau Chief Creative Officer en la personne l’un de ses plus célèbres réalisateurs, Pete Doctor, s’est traduite par le choix de se calmer sur les nouveaux concepts (les derniers films sont tous des tentatives de nouvelles histoires) pour produire des suites de Toy Story, Vice Versa, Nemo etc…
C’était visiblement le bon choix puisque ce second volet est très réussi. Pas autant que le premier qui surprenait davantage mais on retrouve l’exigence Pixar et ce mélange magique de nostalgie de l’enfance et de divertissement d’une efficacité redoutable. Plusieurs scènes sont hilarantes et les nouveaux sentiments plutôt bien trouvés même si ils auraient mérité plus de nuances voir plus de personnages.
En abordant l’adolescence, Vice Versa 2 s’intéresse à la crise d’adolescence bien entendu ce qui vaut des moments tendres et drôles, à la construction d’une identité, d’une estime de soi, aux premières confrontations à la représentation en société, aux premières amitiés qui s’effilochent, au besoin de sentiment d’appartenance à un groupe pour s’émanciper de ses parents, de son enfance voire de ses amis d’enfance.
Comme tous les grands films de Pixar, Vice Versa 2 touche à l’universel puisqu’on a tous vécu l’adolescence et ses questionnements ou que beaucoup ont vécu la crise en miroir de leurs propres enfants. Cette connivence de sujet qui transcende les idées politiques ou les croyances religieuses, alliée à des trésors d’imagination, d’humour et de bienveillance qui ne flirte jamais avec le pathos, font du film une nouvelle référence du catalogue Pixar. Son immense succès qui devrait le projeter très au delà du milliard de box-office soit l’un des plus gros succès 2024 et l’un des plus gros succès Pixar, est amplement mérité.
La piste aux Lapins :

La suite du classement arrive d'ici quelques jours....
Comments