De: Jan Komasa
Désolé de critiquer autant de films Netflix en ce moment mais il se trouve que dans la pénurie de sorties intéressantes au cinéma, seule cette plateforme sort des productions originales cet été.
Mais pour une fois, c'est un très bon film, réalisé par un talent à suivre de près, Jan Komasa, à qui l'on doit l'un des meilleurs films de l'année sorti au cinéma, l'excellent "La Communion".
Le réalisateur polonais de 38 ans est en train de se faire un nom et c'est amplement mérité.
"Le goût de la haine" (Hejter, hater) suis un jeune homme sans scrupules qui pour se venger d'être un exclu de la réussite sociale et universitaire, va travailler dans une entreprise qui diffame sur les réseaux sociaux et détruit des réputations d'influenceurs ou de politiques. Les méthodes utilisées sont effrayantes et Komasa a eu deux excellentes idées.
La première est son acteur, qui tout comme dans celui de "La Communion", porte le film, notamment via un regard entre tristesse et détermination. Là où Bartosz Bielenia dans "La Communion" était solaire, Maciej Musialowsk est sombre et on a du mal à déterminer dans quelle mesure la réelle souffrance qu'il a subie toute sa vie peut creuser sa détermination.
Sa seconde bonne idée est d'utiliser l'univers du jeu vidéo interactif, utilisé par des terroristes, complotistes et fous dangereux à travers le monde. C'est la première fois que je vois cet outil mis en avant dans un film et utilisé avec une grande qualité de rendu graphique.
L'endoctrinement via les réseaux est d'actualité tout comme le bashing sans limites et d'une violence inouïe que des anonymes déversent avec haine via ces outils. La puissance destructrice des haters tout comme l'absence de morale de certains community managers de l'ombre font vraiment froid dans le dos.
Le personnage principal rejeté car pas de la bonne classe sociale, pas avec la bonne tête va donc trouver la réalisation de son ego dans cette manipulation. La toute puissance appartient à celui qui maitrise dans ce monde où les attaques virulentes et sans bornes se font masquées derrière des profils anonymes voire des sociétés qui s'en chargent. Le pouvoir qu'il va y trouver va contenter ses frustrations, ses humiliations passées car il peut agir caché.
L'hypocrisie et la bienveillance à options de ses protecteurs nantis, qui s’achètent une conscience en étant généreux, est également très bien décrite. Avec finesse, Jan Komasa explique cette condescendance de gens bienpensants mais qui ne manquent de rien face à des individus paumés, largués et faibles face à la facilité des extrêmes, du rejet de l'autre. Une nuance de gris bienvenue lorsque la morale affronte le vide.
C'est donc un film d'actualité à double titre via le décryptage du fonctionnement et des modes opératoires du hating d'une part et l'endoctrinement fascisant de paumés vivant dans la misère intellectuelle de l'autre.
"Le goût de la haine" confirme la naissance d'un très bon réalisateur.
La piste aux Lapins :
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