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Photo du rédacteurBlanc Lapin

Le bruit des glaçons

De: Bertrand Blier



Le pitch : C'est l'histoire d'un homme qui reçoit la visite de son cancer. " Bonjour, lui dit le cancer, je suis votre cancer. Je me suis dit que ça serait peut-être pas mal de faire un petit peu connaissance..."


Dès les premières scènes, deux évidences s'imposent. Bertrand Blier est de retour et il est en verve, celle qui fusait dans "Buffet froid" ou "les valseuses" sans en atteindre le niveau. Un humour caustique et noir qui nous balance des vérités en pleine tronche avec un sourire narquois et malin.

La deuxième satisfaction est le choix du casting, Jean Dujardin est aussi drôle que désemparé et touchant avec ses 10 kg en plus et ses regards face camera. Albert Dupontel est excellent de cynisme, idéal, clown méchant au visage cartoonesque. Le clin d’œil aux valseuses est sympa mais la comparaison s'arrête là, Blier changeant de registre avec l'âge et c'est d'ailleurs ce qui m'a gêné, mais j'y reviens. Car comment ne pas souligner Anne Alvaro, actrice au visage et au regard si doux, compassionnels. Vue beaucoup au théâtre et dans "Le goût des autres", cette dernière constitue bien l'élément moteur du long métrage et complète ce très beau trio. Car oui ! Blier n'est pas aussi misogyne qu'on a pu le lui reprocher par le passé, l'héroïne est belle et stoïque. Elle apporte toute la lumière à cette histoire de mort sans issues.

Autre bonne nouvelle, nous n'avions pas vu du style Blier aussi vif depuis des lustres. Ses trois derniers films étaient ratés, "les côtelettes", "les acteurs" et "combien tu m'aimes". Il faut remonter à "Mon homme" pour retrouver un tel niveau. Les mélanges de passé et présent voire de scènes parallèles, les personnages qui parlent au public, les non sens surréalistes, les paraboles à foison et les dialogues ciselés et crus sont au rendez-vous. Blier a inventé un style inimitable qui a marqué le cinéma et dont il est le seul à connaitre la formule.

Mais pourtant, avec tant de qualités, pourquoi suis je sorti un peu déçu, sur ma faim?

Peut être parceque Bertrand Blier a pris un risque, ce qui est tout à son honneur, le risque de se dévoiler un peu plus, de délaisser la plume de cynique pour prendre celle de l'intime...comme si après avoir bien rigolé, Blier souhaitait redevenir sérieux, insuffler un peu de tendresse, démarche éminemment casse gueule qu'il avait très bien réussie dans certains de ses films.

Dans "mon homme" et "un deux trois soleil", deux films avec son ex compagne Anouk Grimberg, on sentait de la poésie, l'absurde atteignait des sommets d'onirisme qui permettait de délivrer cette tendresse avec grande classe. Dans "Tenue de soirée", le personnage de Michel Blanc faisait rire avant de nous cueillir par les sentiments mais avec toujours des piqures de rappel caustiques. L'humour était toujours là pour tomber comme un couperet et dire "eh oh, on ne va pas se mettre a chialer quand même!". Ici, je n'ai pas senti ceci. J'ai au contraire trouvé que le scénario patinait au bout d'un moment, que les scènes allaient toutes dans une même direction, devinée longtemps à l'avance...et que donc, cette plus faible ponctuation du récit par des flashs comiques ou poétiques finissait par affadir le tout.


Bref, j'ai trouvé que le cocktail qui nous était servi était un peu mal dosé, trop de sucre, pas assez amère. Et la tendresse bordel ? C'est juste que Blier a fait tellement mieux que j'espérais le voir tenir un rythme surprenant tout du long. Je n'ai rien contre la tendresse mais pas avec de trop gros souliers.

Mais que je sois clair, j'ai trouvé le film réussi. Je remets simplement ce dernier dans un contexte critique très favorable afin que ceux qui ne l'ont pas vu et liront cette critique ne soient pas trop déçus. C'est du bon Blier mais sa rémission créative n'est pas totalement terminée. Je souhaite qu'à 71 ans, il nous ponde encore plein d'autres films aux concepts aussi forts que celui-ci, avec juste une petite touche d'irrévérence supplémentaire. C'est le moins qu'on puisse demander du maitre en la matière.


La piste aux Lapins :






















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