De : Kirill Serebrennikov
Russie, 19ème siècle. Antonina Miliukova, jeune femme aisée et apprentie pianiste, épouse le compositeur Piotr Tchaïkovski. Mais l’amour qu’elle lui porte n’est pas réciproque et la jeune femme est violemment rejetée. Consumée par ses sentiments, Antonina accepte de tout endurer pour rester auprès de lui.
Curieux film pour le réalisateur de "Léto" et "La fièvre de Petrov".
Kirill Serebrennikov est le réalisateur russe qui a la côte depuis 5 ans dans tous les festivals à commencer pare Cannes.
Il est vrai que l’animal a du talent pour insérer dans des récits classiques des scènes surréalistes qui illustrent le trauma d'un personnage ou ce qu'il ressent. Le procédé n'est pas nouveau de Fellini à Kusturica mais il n'est pas si fréquent et dans cette "Femme de Tchiaikovski", chacune de ces scènes illustre un peu plus comment son personnage s'enfonce dans l’abime de la folie. Car si au début on peut s'attacher à ce personnage bizarre qui est fan d'un artiste de renommée et s'offre à lui malgré la réticence de ce dernier et son affirmation qu'il n'est pas intéressé par les femmes, on bascule assez vite dans un sentiment plus confus. Le film a cela de fort qu'il aborde la condition féminine au 19ème siècle mais qu'il l'insère dans la Russie tzarine ultra codifiée où la femme a une place limitée à l'enfantement et la gestion de la maison, sans aucun droit.
Le cri de cette femme et sa détermination pour que son statut de femme d'un compositeur de renom ne lui soit pas enlevé se comprend par son souhait de ne pas disparaitre car sans homme point de salut. Mais Serebrennikov nous montre surtout une femme qui se ment et veut croire absolument que ce que lui affirme et lui impose son mari homosexuel est faux. Ceci ne peut pas être vrai, pas dans ses codes, pas dans cette société là et pas pour elle. Elle s'est rêvée femme de et l'a obtenu par une sorte de harcèlement, elle ne lâchera pas.
L'extrême sobriété de la mise en scène est fort heureusement illustrée des scènes surréalistes précitées et la confrontation des deux pointe la misère de cette société, misère économique où une petite classe sociale s'en sort, et misère intellectuelle où les génies sont portés aux nues quite à tout leur pardonner. Ceci a peu changé quoique depuis #Metoo ceci bouge enfin.
La descente aux enfers est donc funèbre dans l'enfermement fervent d'un personnage qui veut s'en sortir et ne comprends pas pourquoi elle ne peut provoquer un sentiment d'amour. Un très bon film également sur le déséquilibre d'une relation même si pour le coup ici c'est jusque boutisse dans le manque de sentiment de l'un des deux protagonistes. Le résultat est troublant en montrant l'incandescence d'un personnage qui ne peut que sombrer...
La piste aux Lapins :
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