De: Andreï Zviaguintsev

La presse fut excellente lors de la présentation de"Léviathan" le dernier jour de la compétition pour la palme d'or 2014...le film d'Andreï Zviaguintsev repartit d'ailleurs avec le prix du scénario, un prix amplement mérité et adapté.
Il est certain que l'idée d'aller voir un film russe de 2h21 sans aucun acteur connu ne déclenchera pas des flots de spectateurs...et pourtant, "Léviathan" mérite le détour pour le portrait sombre et désespéré de la Russie d'aujourd'hui, pas celle de Moscou non, celle de la mer de Barents, soit dans un trou paumé au nord.
Kolia tient un garage en dessous de sa maison où il vit avec sa femme et son fils de 13 ans...Le Maire de la Ville, mafieux sans scrupules, souhaite l'exproprier pour utiliser son terrain à des fins de projets immobiliers juteux.
Kolia fait alors appel à son meilleur ami de jeunesse, un avocat venu de Moscou.
"Léviathan" dégage une profonde noirceur, celle de la mer noire, celle de la vie de ces gens de peu, qui n'ont pas grand chose et auxquels on essaie de prendre les maigres biens. Le caractère tonitruant, slave et parfois joyeux des personnages tranche radicalement avec ce noir et ne permet jamais au film de n'être qu'une chronique déprimante. Au contraire, on ne sait jamais vers quelle face va tomber la pièce...les individus buvant des verres de vodka cul sec comme on boirait de l'eau pour se désaltérer, les effets ne sont pas toujours ceux anticipés.
Andreï Zviaguintsev décrit une corruption, une injustice et une justice arbitraire qu'on connait déjà certes, mais sans jugement particulier, en faisant de cet environnement juste un cadre de vie dont tout le monde s'est accoutumé faute de choix. Les puissants écrasent les faibles de leurs petits pouvoirs vacillants mais tiennent sur un rien. Et puis ces personnages sont surtout seuls, isolés et lorsque le drame personnel se mêle à une situation déjà peu reluisante, le monstre s'élève et emporte tout sur son passage.
Le portait de cette Russie est celui d'un pays exsangue d'idéaux, livré au capitalisme brutal mais sans avoir oublié ses vieux démons passés. La cruauté du récit côtoie une regard narquois...peut être la seule façon de décrire le déterminisme déprimant de ces destins sans issue positive.
La piste aux Lapins :

Terrence Malick
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