De Todd Field
Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d’un grand orchestre symphonique allemand, est au sommet de son art et de sa carrière. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle.
Seize ans après Little Children, Todd Field revient avec ce portrait d’une chef d’orchestre très célèbre dont la vie va basculer lorsque ses excès la rattrapent.
Cate Blanchett est prodigieuse de bout en bout et pourrait remporter son troisième Oscar de meilleure actrice pour ce rôle de femme brillante et dure, qui a perdu le sens des valeurs.
Le film nous parle de cancel culture, du wokisme et de #Metoo mais dans un milieu auquel on ne s’attend pas, celui de l’Opéra classique.
Passées vingt premières minutes un peu lentes où il faut faire l’effort d’entrer, le film vous embarque par son personnage éminemment antipathique mais auquel on passe beaucoup de choses. Car Cate Blanchett incarne un maestro tellement adulé et respecté qu’elle peut tout se permettre, d’imposer à un fidèle collaborateur de tout abandonner pour changer de pays, d’imposer de façon brutale et dictatoriale à une autre de laisser sa place à une plus jeune qu’elle convoite comme maitresse. Ainsi le film se construit par une accumulation de petites décisions d’une froideur sèche, qui se justifient souvent par la rigueur du métier mais qui dérangent par l'absence d'empathie. C’est que le réalisateur aborde non seulement l’ascétisme de ces métiers d’artistes qui sacrifient beaucoup pour leur art mais il y insère aussi le féodalisme primaire lié à toute personne de pouvoir qui abuse de ce dernier.
Le plus cynique est qu’on lui pardonne ces touches de cruauté car le personnage est brillant...alors que bien entendu, ce n'est pas moralement acceptable mais l'humain réagit souvent comme ceci et pardonne plus facilement au détenteur du pouvoir lorsqu'il est excellent dans son exercice. Peu à peu la chute nous rappelle la fragilité de tout être qui pense être au dessus à l’heure des réseaux sociaux où le faux pas peut prendre une ampleur et une rapidité incroyable.
Prendre une femme au sein d’un scandale de harcèlement est une excellente idée car il bouscule la vision que tout un chacun a depuis quelques années et casse les a priori avec pertinence. L’abus de pouvoir est décortiqué avec finesse dans un milieu par définition délicat et où toute fausse note ou bruit non maîtrisé déclenche une cacophonie incontrôlable.
Tàr est d’une grande maîtrise et surprend, porté par une thématique d’actualité, une actrice au sommet de son art et une réflexion immersive sur le rythme et l’affolement d’un monstre de maîtrise de ce dernier lorsqu’il le perd.
La piste aux Lapins :
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